Montpeyroux (1/2)

sonnets inédits de Marilyn Hacker traduits de l’anglais par Pierre Vinclair

.

.

July. The air is thick. I’m out of sorts
with my ankles, knees, wrists, with my spine
that’s fusing into something that’s not mine,
or not my body, functional. Resort
to pills, to naps, a vegetative state
wanting a summer afternoon again
to walk through fields, and look out at the mountain.
Attractive nuisance of the internet
instead, four countries’ daily newspapers.
A stack of books, but I can’t concentrate ,
be in his mind, craft, story, be in hers.
Imaginary swelling in my feet,
sour stomach, prickling under the short hairs,
the desiccated nerves of lost desires.

.

.

Juillet. L’air est épais. Je me sens mal à l’aise
des chevilles, genoux, poignets, de la colonne
fusionnant dans quelque chose qui n’est pas mien —
ou pas mon corps, jadis fonctionnel. Je l’apaise
avec siestes, cachets — état végétatif
désirant un nouvel après-midi d’été
à marcher dans les champs, contempler les sommets.
À la place internet et ses attraits nocifs,
les quotidiens en ligne de quatre pays.
Une pile de livres, pourtant je ne peux
me concentrer, joindre l’esprit, l’art, le récit
de tel ou telle. Pieds tout gonflés ou bien crus
tels, estomac aigre, fourmis sous les cheveux
ras, les nerfs desséchés de mes désirs perdus.

.

.

The desiccated nerves of lost desires

don’t, now, even reweave themselves in dream.

Sometimes I want to want. I want to scream

as if I’d poked my finger in a fire.

In fact, all I want really is to sleep

eight hours, or six, not lie, midnight till dawn,

lamp off, determined not to turn it on,

admit I’m wide awake, and that I’ll creep

around tomorrow like an invalid,

afraid I’ll lose my credit card, or trip

and break a metatarsal, with my mind

elsewhere, putting down my coffee cup

in the next-door café , the way I did 
last year,
as soon as we were ‘unconfined’.

.

.

Non, les nerfs desséchés de mes désirs perdus
ne se retissent plus, désormais, même en songe.
Parfois je veux vouloir. Je veux, comme qui plonge
Son doigt au feu, crier. Mais ce que je veux plus
que tout c’est dormir huit heures, ou six, et non
m’étendre de minuit à l’aube, lampe éteinte
déterminée à ne pas l’allumer, consciente
que je suis éveillée, que demain sera long
car je me traînerai ainsi qu’une invalide,
craignant de perdre ma CB, de me casser
le métatarse en trébuchant, ayant la tête
ailleurs et en renverser ma tasse brûlante
au café du coin comme je l’ai fait l’année
dernière, à peine fûmes-nous « déconfinés ».

.

.

Last year, as soon as we were unconfined,
people gathered on café terraces 
in all weather. It was May. It was
a warm spring, not a gray one, where it rained 
until July. Some people fled on trains 
to natal or vacation villages 
to stay. There were more graphs than elegies.
There was no cure. There still were no vaccines. 
We replaced clichés of solitude —
trees in bud seen from windows, still-lives of food 
cooked solo — with the river, a smiling friend,
face-mask a bracelet dangling from her hand
and a barge passing in the distance. In 

October, everything shut down again.

.

.

À peine fûmes-nous déconfinés, l’année
dernière, les gens se groupèrent — par tout temps —
sur les terrasses des cafés. Mai : le printemps
était chaud, non pas gris, comme lorsqu’il se met
à pleuvoir jusqu’à juillet. Certains fuyaient en
train vers, ou natals ou vacances, des villages —
y restaient. On comptait plus de courbes de graphes
que d’élégies. Pas de remède. Aucun vaccin.
Nous avons renouvelé les clichés de la
solitude — arbres en bourgeons mais vus depuis
une fenêtre, nature morte d’un plat
fait seul — avec le fleuve, souriant, un ami
masque en bracelet pendant de sa main, au loin
une barge. Octobre, tout fut reconfiné.

.

.

.

Laisser un commentaire