Une anatomie amoureuse, 2

Par Amanda Chong [english below] Traduit de l’anglais (Singapour) par Pierre Vinclair

Lire ici le premier épisode.

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II. Manières d’entendre

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Il était une fois — une femme
qui ne s’exprimait que par métaphores

(… et un homme
qui n’y comprenait jamais rien.)

Mon amour, ne me prends pas
pour une tour de béton. Dans mon cœur,
les collines dégringolent en broussailles,
recoins ronceux, genoux écorchés,
graines de saga collectionnées par un enfant
et enterrées, ou la grenaille d’un Redbull
que s’enfilent des salariés-robots
un peu vaseux. Le préservatif usé
de circonstance. Les lambeaux
d’une carte touristique en chinois.

(Un jardin à la française doit enserrer la nature
en une image d’ordre et d’harmonie.)

Quid des distances qui ne sauraient
être traversées ? De la beauté qui bourgeonne et respire
sans haie protectrice ? Tout chemin que nous partageons
peut compter mille tours et
retours. À chaque instant, je me déploie.

(La construction des fontaines
sert de diversion plaisante aux excès de la nature.
La certitude offerte par l’imposition géométrique signe
la maîtrise du paysage par l’homme.)

Quand tu as croisé les jambes sur ton fauteuil,
quelque chose de sauvage s’est exhumé du jardin de mon cœur.
Après plusieurs nuits, j’ai placé mon oreille sur ton nombril
en m’efforçant d’écouter les grognements de la machine
tournant et retournant nos macaronis au gruyère. C’est l’amour,
volume tourné au maximum — qu’est-ce qui conviendrait
mieux que tes silences ? Je pardonne tout :
les mots qui te manquent, mes lacs qui s’étendent
et la déchirure du cœur.

(C’est le printemps, j’imagine.)

À suivre…

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II. Ways of hearing

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Once there was a woman
who spoke only in metaphors.

(Once, a man
who could not fathom them.)

Love, do not mistake me
for a concrete edifice. In my heart,
hills tumble with undergrowth,
brambly corners, scraped knees,
a child’s buried saga seed collection,
shrapnel from energy drinks
chugged by bleary office
drones. The occasional used
condom. A tattered
tourist map in Chinese.

(A French formal garden girds nature
into representations of harmony and order.)

What of distances that can never be
traversed? Of beauty that buds and breathes
without hedges? For each path we share,
there may be a thousand turns and
returnings. At every moment, I am unfurling.

(The construction of fountains
presents a pleasing diversion to nature’s excess.
The certainty of imposed geometry marks
man’s mastery over landscape.)

When you crossed your legs in that arm chair,
something wild unearthed in my garden-heart.
Nights later, I placed my ear to your navel
and strained to hear the growling machinery
churning our mac and cheese dinner. This is Love
turned loud as possible—what could
be more accurate than your silences? I forgive
your lack of words, my sprawl of lakes
and heartbreak.

(I suppose it must be spring.)

 

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To be continued…

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