par Guillaume Condello. Lire les autres épisodes
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Fini de jouer. Si c’est pour rire, ou mieux dire,
La machine de vers médiévaux ? Verse dedans
Idées, souvenirs, bouts de phrases et tout
Le matériel du hasard, […].
________ Laisse tourner les rouages, engrenages
Obscurs à toi-même, ou algorithmes –
Et voir ce qu’il en sort, mort où nait le vivant,
– au mieux – message à qui, par le temps
________ Défiguré, à ne plus savoir ce qu’il disait.
En buvant ton café du matin tu lis
Wiener________ courbé sur la page
________ En archéologue époussetant
Les phrases qui nous ont fait
________ Dis-tu, feront,
Dit-il, et leurs tessons de préscience
Scintillants sur le sol impuissants
________ Des ruines futures, smart
cities aux rues moins rectilignes après l’extinction
Des feux________ que tu dis/rêve/craint
Devant la fenêtre________ sourde
Où un merle encore envoie ses signaux.
Tu lis au fronton des pages
________ Une Pythie dans les gravats
Oracle inversé livrant le sens
________ Comme un colis Amazon
Ou fumées sur l’horizon________ annonçant
Quoi ?
Le passé ou le futur ? ou une prise
________ Sur le mur où tu grimpes
Vers rien, sans doute.
Le merle chante, et qui l’écoute
________ Chante à son tour
Tissant la trame et la chaîne
De la tapisserie où il ne se voit pas,
________ Agitée par la brise
– Ou tableau
Inclusif, chanson que tu n’entends pas
Assis à ta table
________ De silence :
Si c’est boucles en rétroaction, ces vers où le fil
Se recroise et brouille son message à mesure
Que se détraque sa mécanique, que claquent
Les dents de céramique dans la face automate,
Quand le salon s’est vidé ?
________________ Pour nommer le bruit
Que fait la vie, qui fait la vie
Victorieuse en ses défauts.
________________ Ecoute : voilà ce que répond
Personne, ou l’écho qu’est toute parole
Quand elle touche au but, comme la lame
Crève la peau :
________________ Rien, de l’eau
En ondes et clapotis lent, rafraichissante aux pieds
Fatigués, de l’ombre fraîche.
Et ce poème même n’échappe à son cours,
Qui voudrait dire
________________ Ce qui nous a fait
Ce monde et l’horizon où nous parlons
Des choses
________ Sinon pour y ajouter un peu
De musique au mieux ? ou cajoler,
________ Main de mots sur le dos de la bête,
Adoucir leurs angles pour la bouche qui saigne de les dire.
Ou la tienne. Vois, l’Être
Ni dieu ne fleurissent
________________________ Ici dans la rose flétrie
De ces vers. Ou simplement une histoire
A reprendre sans cesse pour l’ajuster
Au corps qui se dérobe, et la question de vivre,
________ A chaque tour de la machine
Elevant ses étages, Babel de chiffres
________________ Où rêveront les algorithmes,
Quand ne resteront plus que poteries cassées
Ou moins : silices fondues sous le souffle
Sec du vent, fragments de phrases, ou codes,
Mystères en fonction, toujours veillant […].
Ou nous, c’est idem.
________ Déjà Wiener :
La société ne peut être comprise
Que par une étude des messages
Et des dispositifs de communication.
Machines sensibles, à usiner du sens
________ Dans le bruit continu
Des siècles successifs
________________ Pour nous déposer là,
Où tout déjà n’était que signaux, signaux
Toujours déjà, et pour toujours ?
Wiener, ou […]
Tremble dans le miroir liquide
________ Des machines qui
Gouvernent sans gouverner, chiffrant
Nos vies en approximations
________ Exactes :
Vivre, c’est vivre avec une information
________ Adéquate.
Et quelle information est délivrée
Dans les réseaux où l’on s’échange
Avec l’autre
________ En signaux singeant
Les signaux de chair qu’on traîne
Partout avec soi ?
________ Quelle information
Aux informations est jointe, quelle
Information sera________ found there ?
Dans les siècles bientôt périmés,
Sinon l’effort pour saisir le sable
Glissant des événements,
________ Et pas même :
Une prise fausse ferait l’affaire
Dans l’effort désespéré
________ D’être, aussi bien.
Les doigts caressent l’écran
Au métro, au boulot, jusqu’au bout du jour continu,
________ Excitent mille frissons électroniques,
Non : millions, milliards, sans mesure
Pour tes mains trop faibles
________ Effleurant les visages fake
Et les nouvelles du jour épanouies
________ Toujours recommencées,
Te balançant dans leur ressac.
Internet, cybernétique […].
________ Où le chant veut/croit penser,
Ses mots aussi sont du sable,
Ses mains sont de sable, silice en suspens
________ Impuissantes à contrer
L’entropie : quelle parole dirait là,
Adéquate au silence loquace
Des choses, comment vivre ?
________ Déterrée du passé,
Elle te regarde, comme un masque tragique
Ou comique, épée rouillée, un bouclier
Ou charroi royal, coupes cassées, qui sait […].
Laisse : parle toujours, toujours enfermé
Dans tes signaux perdus
________________ Pour personne.
Ou laisse les machines parler,
Et faire des poèmes
________________ De fonctions apprises.
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