Poetic Transfer, 1

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Traductions de Céline Leroy

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Terrance Hayes, Sonnets for My Past and Future Assassin (Penguin, 2018)

Content qu’une balle blesse enfin quelqu’un qui le mérite,
George Wallace. Quand tu auras envoyé ta corbeille de fruits
et de fleurs aux jeunes filles que la bombe a brisées à Birmingham,
quand tu auras apposé tes paumes aux psaumes et palmes sur les cercueils
scellés des jeunes filles que la bombe à brisées à Birmingham,
je puiserai en moi une pincée de prière pour toi. Tu es le protagoniste
aveugle d’une histoire qui commence par : « Dans ma vie d’avant
mon travail consistait à remettre en esclavage les esclaves en fuite. »
Et qui se termine sur l’image d’une infirmière noire poussant
ton cul décrépi dans un fauteuil roulant. Tu l’imagines, le sentiment du
peuple noir longeant les champs de coton abandonnés, George Wallace ?
Je te maudis avec l’inverse de ce sentiment. Je ne cesse de penser
que c’est la première fois que je confesse la raison qui me fait te craindre,
et tu ne cesses de demander pourquoi je ressasse cette vieille histoire.

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Tracy K. Smith, Wade in the Water (Penguin, 2018)

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« Cendre »

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Étrange maison qu’il nous faut entretenir et remplir.

Maison qui mange, implore et tue.

Maison sur pattes. Maison en feu. Maison infestée

De désir. Maison hantée. Maison isolée.

Maison de passes où tout passe et puis s’en va.

Maison Donne-moi-ça. Maison Bébé, j’ai-besoin-d’toi.

Maison avec des mares de sang dans les pièces.

Maison dotée de mains. Maison qui dit coupable. Maison

Construite par d’autres maisons. Maison de mensonges

De fierté et d’os. Maison terrifiée d’être seule.

Maison comme un moteur qui tourne et qui cale.

Maison avec des murs en peau et cheveux.

Maison que les saisons calcinent et submergent.

Maison qui croit qu’elle n’est pas une maison.

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