Unica

par Jonas Fortier 

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Monumental et impensable

La peau tombe
en pensée,
le bétail est muet
(les petits sont nés),
le blé sème mille plumes
ou pétales,
le pain est une punition
sentimentale – un seul
et même soleil
s’allume la nuit.
Mais tous les moulins
sont en panne, la lune
immense et simplement
bestiale, bientôt même
l’eau n’est plus potable,
une moins aimable santé
mentale s’étale en nous.

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Qu’est-ce que le travail ?

La vie est-elle vraie ?
Elle est valeureuse : sueur
sur les tuiles. Elle est résultat.

Qu’est-ce que le travail ?
Il est celui qui attelle le veau
au ciel et le lacère
avec sa cravate.

Qui es-tu, lecture ?
Tu es lasse
tu te tais
avec tes rêves arqués
vers les lueurs virtuelles.

Tu es là, sur le seuil.

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La fin succulente

Insulte tes fils,
fais-le. La lune est
une fille, sa fiente est feuillue,
enfin, ça sent l’ail…
Et c’est la fête, la lune
a neuf ans, les saules en
feu et les fennecs ululent,
ils te filent un canif et tu
fais cent câlins à tes enfants,
tu accueilles le ciel en étain.
À la cantine,
tu es une sauce, un féculent…
au lac, tu es sec…
ta face est enflée : tu es un saint
et la nuit est une flûte luisante.
Ensuite, la faune est acculée au néant
et la science est calcinée.

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Le poison est la vérité

Prive-toi, éternel
tes violons sont pointés vers le soir
et la rivière…
La vie est-elle sauve ?
Si le rêve est vipère
portée à notre tête,
sa perte vient.

Par pitié, éternel
père avorté,
ne sois pas sévère,
ne sois rien… Nos étoiles,
nos protons, notre paresse travestie
en ivresse, notre vision, notre pain
poivre et sel, notre sol, notre ventre,
l’ortie le son l’avoine et le pavot…

Penser à l’avenir et valser.

Le serpent est notre sérénité : allons
vers les astres pesants tenir
notre parole. L’éternité
est triste par plaisir.

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Nous sommes tous coupables

Le temps est à son
comble, les taupes se sont
soûlées en toussant sous
les meubles, et les plantes
ne poussent plus beaucoup,
cassées, comme nous.

Au sommet, les ossements
sont bleus et là-bas, sans but
la lune émet son
lotus blanc, nos âmes
sont émues… et passent
sous les ponts… et tombent
à l’automne comme les
pommes : sans un mot.

Paul Celan
a sauté au moment le plus blanc
le plus commun, le seul
et la cause est en nous.

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La vie est devenue sérieuse

Devant la vérité, rien ne vaut
d’être dit. La vie est un livre
et tu lis, tes lèvres dansent.
Le vent a neutralisé les rues.
Tes seins veulent être seuls, tu
deviens la ruine désireuse des
lièvres sur la rive, ta veste neuve
est draveuse et rêve dans l’eau.
Diviser les ailes / réunir la sueur.
Une sirène a vu ta vulve et tu
te ris de dieu, tu entres en deuil,
tu entres ainsi dans le sentier.
L’air est une tresse d’ail
réussie, une sieste vide,
un nid de stevia.
Le sud va vers l’est :
le réel est lent, stérile
et la vie est devenue sérieuse –
tu devines sa laideur, tu sens ternir
l’ivresse au ventre des idées. Ariel
Denis Tessa Niel Susan René.
Tu es autre.
Survis à tes destins séniles,
endure tes veines en duvet
et détruis la taule.

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Un commentaire sur “Unica

  1. C’est étonnant, la façon dont une forme (poétique) parfois vous retient…
    Quand je dis qu’elle vous « retient », je ne veux pas dire qu’elle ne fait qu’attirer une petite part de votre attention dans un coin, comme ça, en passant. Je veux dire qu’elle est là devant vous, dans le passage, et que, vous n’irez pas aller plus loin dans votre distraite déambulation habituelle si… si vous ne lui consacrez pas le tout de toutes vos attentions, pendant tout le temps nécessaire.
    Bref, j’ai rencontré ici un poème qui me ‘parle’, avec d’autant plus de puissance, que, à la suite de cette première rencontre, je suis bien persuadé qu’il me restera plus encore à y entendre que ce que j’en ai reçu dans ce premier éclair.

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