La boîte à proverbes, 4

par Laurent Albarracin et Jean-Daniel Botta. Lire tous les épisodes

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Toutes les statues sont drapées dans l’à-pic de la pierre. Sculpter la pierre c’est tailler un vêtement dans du nu.

La statue ne peut pas résister au romantisme de son cerveau. Elle a commencé par jeter ses terminaisons nerveuses dans un énorme bloc de pierre. Quand on jette ses terminaisons nerveuses dans la pierre, le nu est entrainé dans l’éternité.

La statue carbure à l’immobilité. La statue est figée parce que son intention est bouillonnante. Elle est pétrifiée parce que sa concentration est explosive.

La statue carbure à la ressemblance, au jeûne de la ressemblance. La statue cherche une posture de jeûne pour affiner sa parenté. La statue ajoute des pigeons aux gestes de correspondre avec la chair. 

La statue cuit dans son jus de ressemblance. La statue s’équilibre accompagnée de pigeons qui sont à la statue ce que les petits pois sont au pigeon.

Les statues dorment dans les photomatons comme dans des machines à sous où elles remettent en jeu les réflexes de ressemblance. Le petit pois est la pomme d’une photo d’identité.

Le photomaton est une prison individualisée avec la cellule et son maton intégrés dans le même dispositif. C’est le détenu qui déclenche sa prison d’identité.

La ressemblance détient le nu. La photo d’identité tétanise le vécu. Vieillir c’est l’oubli de sa ration de ressemblance dans une petite cuillère.

Vieillir c’est s’éloigner de soi sans bouger. C’est justifier de son identité avec des papiers de ressemblance.

Vieillir est un lâcher de grains de beauté. On n’a plus à se ruer sur la ressemblance. Seul Clint Eastwood correspond à Clint Eastwood en tant que justicier de similitude.

Un seul grain de beauté suffit à arrêter le temps. Clint Eastwood vit sous perfusion de minéralité. Le goutte-à-goutte du sablier lui procure longévité.

Client Eastwood est le même. Clint Eastwood a un pistolet à peau, un pistolet à veines. Clint Eastwood a des glandes de longévité.

Le pistolet à peau tire des billes de peau qui cicatrisent les blessures. La cartouchière du pistolet à peau est un régime de pruneaux.

La Californie a été faite à coups de feu cicatrisants. Une affiche de cinéma est une carte d’identité adaptée au destin. Les Californiens ont des cartes d’identité qui représentent la timidité grandeur nature.

La timidité est une petite fleur qui envahit toute la place. La timidité est une épingle de Damoclès. La timidité c’est lorsqu’on est un fétu de paille qui pèse un âne mort.

La timidité est un truquage dans les verres d’eau, un truquage de destin dans les verres d’eau. La timidité est belle car elle surpasse les enjeux de la soif.

La timidité ce sont des vases communicants, des vases communiquant leurs fleurs par le rouge aux joues.

Le prestige des joues vient d’une étendue moite dans la main où affluent des gifles d’humilité.

Il y a des gifles qui se perdent dans le clapotant marécage de la main. Il y a des caresses étouffées dans l’œuf du poing.

Le poing est l’abribus de l’œuf. Il y a un pot trouvé dans une brèche de la main, un pot de nageoire, on y entend les premiers clapotis de timidité de l’espèce.

Les enfants de l’œuf arrivent tous ensemble le doigt levé à l’école : moi madame, moi madame. Cultiver une nageoire en pot et mettre un iceberg au balcon.

L’iceberg s’adonne au délice de fondre. Arrivé tout près de la chorale d’enfants, l’iceberg est la gomme des larmes.

Quand tu arrives au bâtonnet de l’iceberg, aiguise ton bec sur l’os de seiche de la mer. Sur ta joue, la gomme des larmes est une trace de pneu.

Dans les derniers instants de l’iceberg, enfants et poissons vivent sous la clarté d’une robe de mariée. Les enfants sculptent un bâtonnet de marche qui les mènera vers un Walhalla de vanille.

Le battant de cloche qui fait vibrer la robe est un pistil blanc.

Au printemps, les chiens aboient dans l’épaisseur du sureau et des robes mariées. Le battant de la cloche est un coton-tige.

Les robes ne sont mariées qu’au vent. Les chiens aboient en déchiquetant de la moelle de flûte.

On range les dents du chien dans les trous de la flûte. Tout ce qui doit être protégé du vent est énoncé à voix haute.

La flûte est le tombeau et l’os du chien. La flûte est à la fois le mausolée, la dépouille et la cantine du chien.

La flûte est la longue vue pour observer les calligrammes d’aboiements des chiens. Aboyer, aboyer longtemps pour parfaire ses calligrammes d’imagination. Question imagination, les chiens sont autosuffisants.

Quand le chien aboie, les cordes se lassent et la flûte change la caravane en une procession de serpents. Le fakir mange des clous et les métabolise dans son turban.

Les chiens s’expriment sur un autre régime de salive : un fluide nostalgique. Les serpents sont des tuyaux de visions pures entre les espèces, les serpents sont des tubes de nostalgie entre les chiens. Pour le fakir, le clou montre l’implantation de la phrase.

Le clou cloue le bec au doigt. Il met un terme de fer à ce que montre le doigt. Mais le vrai bouquet final du doigt c’est quand le marteau rate le clou et fait naître une fleur de douleur.

Il ne faut jamais montrer du doigt le fer, la biographie de quelqu’un ou même des clous.

Ne mords pas le nom du chien, il se mélangerait les pattes dans sa niche.

Le chien a une addiction au nom, le chien salive d’être nommé.

Qui salive cuisine dans sa bouche. Saliver c’est chanter sous la douche l’opéra du fleuve.

Le chien considère son maître comme le ténor de son nom.

Le maître considère l’esclave comme le Médor de son chien.

Le directeur considère le maître comme le porte-manteau de sa médisance.

L’homme, ce transporte-manteau.

…teau …teau …teau… il y a un écho dans le manteau.

Le drapé du manteau lui vient d’un frappé de marteau. Il y a une enclume dans les plis, un fer à friser dans l’écume.

On enlève son manteau face à la montagne, on lui vole une enclume mais on ne peut quitter son écho.

Face à la montagne, le manteau ne fait pas le poids mais il est encore l’une de ses répliques hercyniennes, l’une de ses dernières vagues.

Sur la montagne, il faut casser son manteau pour trouver le trait de sommeil de l’horizon.

Casser son manteau avec un marteau de sel pour y trouver le large. Briser l’œuf pour la voile.

Faire des omelettes dans son manteau pour les revenants. Tout un manteau à doublure d’omelette, puis broder des œufs sur ses omoplates et s’envoler.

Les œufs des bovins bavent dans le blanc des yeux.

Le toréador met un œil de taureau dans sa machine à laver. C’est l’entêtement du taureau qui nettoie, pas la lessive.

Le taureau se lave dans le tambour de l’œil. Sa course dans la cornée l’essorille.

Chez l’homme, le lobe d’oreille est une goutte de taureau. Un commencement de pesanteur inouïe.

Le lobe de l’oreille tremblote au-dessus d’un bol de nouilles. Le lobe de l’oreille est la glotte qui brille au fond du silence.

Les lobes sont les capsules de survie de la peau. Par exemple en cas de grande rougeole, une partie de la peau se retire dans les lobes.

Les lobes logent dans les creux des globes, dans la partie molle de la grotte appelée glotte.

La glotte, appelée aussi « goutte de poulpe » ou « goutte de lave », démontre que l’homme s’est relevé d’une partie molle : la grande muqueuse commune des espèces. L’homme n’a jamais su sécher de la goutte de poulpe.

La luette muette est un plafonnier de chair dans le lieu où se fabrique la parole.

La luette est le pouce renversé de César dans la tête du condamné. 

Au cirque des acclamations, les lions sont des bouches d’incendie.

Le lion est acclamé pour sa bouche et son circuit de pensées trop dangereux.

Le lion porte son cerceau de flammes autour du cou comme un collier d’insoumission.

Le lion pense l’insoumission selon une logique de flammes vaincues.

Tous sont couronnés rois au jeu de quilles des lions.

Le roi pense le soleil comme une boule à démolir le lointain.

Le soleil est une boule de feu emballée dans le papier d’eau de la distance.

Emballer la distance dans du papier aluminium et l’offrir au soleil.

La Terre met une main devant le soleil pour faire la nuit. La Terre a une main grande comme le ciel pour pouvoir faire la nuit. Comme si l’autre côté de la Terre était très loin de la Terre, si loin qu’il pouvait tendre le bras démesurément jusqu’à recouvrir entièrement le soleil avec la main.

De l’autre côté de la Terre, la Terre déroule une bande de terre plate, une suite d’arpents de Rolland Garros. La Terre a mis son Sahara debout pour s’éloigner. La terre est une bétonnière générant son propre GR, son propre argile d’éloignement.

(à suivre)

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