Extrait du Livre de palabres

par Henri-Michel Yéré

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Koumanli est debout dans plasma
lumière a siri panpanli en maga-tapé
harmattan gammait le jour je suis né

mon gbayement gâte
mon tchapali on dirait bas-fond

fossé m’a attaché
au ventre de la Vieille

dédjah de cols

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Ma parole ne tient plus dans son plasma
elle est tombée dans le piège de lumière
l’opaque matin de ma naissance

Mon cri s’est perdu
ma langue est une tranchée 

Le fossé me rattache
à des entrailles bavardes

et s’écartent les cols

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Mon tchapali s’est debout le jour le Vieux a parlé que c’est pas lui, alors que je commençais à grouiller dans ventre de la Vieille. Mon premier koumanli est sorti sec ; personne n’a sciencé ça que j’ai parlé. Moi seul je suis devenu mon gars-sûr. Le fanga n’est pas même chose dans mes deux pieds. La Vieille a été mon défenseur devant soleil. Pluie me dabassait on dirait tempête. C’est à cause de malin de pluie et de soleil sur moi que mon tchapali s’est djigui encore.

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J’ai commencé à parler le jour où mon père a dit qu’il n’était pas mon père, alors que ma mère sentait la vie poindre en son sein. À ma première parole, aucun écho ; mes mots ne furent pas entendus. La solitude devint très tôt une amie. Mes deux jambes ne m’ont jamais porté avec une force égale. De fait, ma mère fut mon seul bouclier contre le soleil. Chaque pluie s’imposait à moi comme une tempête. Ma parole dût renaître, et elle émergea en réponse à la tyrannie des éléments.

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Les vieux-pères ont damé de toi, même chose que les chefs qui ont chicotté libations. C’était moins cher, comme colonne vertébrale on vend au marché. Même manguier pour dire tu vas mettre ta graine en bas de lui, y a pas. Demain n’a qu’à avoir pitié de toi ; mais il n’a pas temps de te bembéhan que ses crocs sont dents de kpêkpêro.
Demain-là, c’est ta sève il veut sogho. C’est chaleur de ton sang qui l’enjaille.

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Tes ancêtres t’ont laissé choir, tels les chefs qui ont bu les libations, achetées comme des colonnes vertébrales souples à la bourse de la bonne conscience. Pas même l’ombre d’un manguier où planter ta graine ; te voilà à la merci de Demain qui n’a plus le temps de prétendre que ses crocs sont des dents de lait.
Demain, c’est ta sève qu’il veut, la chaleur de ton sang.

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(Tu es fâché ? Djahaa tu sais pas que rêver-là, c’est danger ?)

Quand tu t’es levé matin, façon ton âme est retournée dans ton corps et puis tu es vivant-là, Rêve sait où tu étais la nuit.

Rêve était calé quand tu voulais aller vite-vite dans embouteillage, et puis un coup cotché a gboro ta voiture.

Rêve était pocaille le jour tu as eu Master mais tu bacroh encore dans salon du frère de ta maman

Debout qui est là, il y a pas son un-seul,

mais Rêve qui est là, connaît.

Autoroute même va chercher l’autre chemin pour passer parce qu’elle est en drap que tu vas la mettre drap dans ton debout.

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(Tu es en colère ; mais tu ne sais pas que rêver, c’est violent ?)

Ce matin, ton âme est retournée dans ton corps ; tu t’es levé en vie. Ton rêve sait où tu étais pendant la nuit.

Il t’a vu te précipiter à la sortie de l’embouteillage. Il savait qu’une autre voiture allait t’emboutir.

Il t’a vu, le jour où tu as reçu ton Master. Il sait que tu dors encore dans le salon du frère de ta mère.

Personne ne peut mesurer toutes les façons de se tenir debout,

mais le rêve, lui, sait.

Alors l’autoroute se cherchera un autre tracé
sachant que tu viendras la traverser, debout.

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Vous qui dites je gamme pas en français–là : mon hobahoba perce murs ! Quand j’ai kouman, que tu m’as entendu-là, tu peux plus marcher même chose ! On n’est pas venu ici prendre place de quelqu’un ; on est venu ici pour se caler dans notre coin. Avant, tu dinssais dans la pièce, tu gagnais pas quelqu’un pour voir. Maintenant, tu me vois pas non, mais tu es au courant des sciences ! Surtout tu es au clair de qui est venu se dipô entre toi-même et toi !

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À ceux qui prétendent que je ne parle pas français : je veux dire que ma parole démolit les murs. Ceux qui m’ont entendu sont transformés. Mon but n’est pas de remplacer qui que ce soit ; je suis venu prendre notre place, simplement. Avant, quand tu regardais dans la pièce, tu ne voyais personne. Maintenant, tu ne me vois pas plus, mais tu m’entends ! Surtout ne te demande plus qui est venu se mettre entre toi-même et toi !

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