Deux sonnets anagrammatiques

par Naly Razakandraïbé

.

.

Vu le dromader lu (valeur du mol der)

Où vivre en un autre chien ce retour du désert
Cabot cherchant dans le sillon le fameux héros ?
De l’émoi de la langue, organise-t-on le fret
S’il trace ta myopie d’où n’est vu qui n’est lu ?

Tout est en écho, en volte, un jeu de bureau.
Un à un ces sens obliquent bas à flagrant délire.
La théorie des ô dans le sens du turbulent
Tôt a pullulé et loin se dansera l’imprévu.

Passager dans l’illusion, le roi ému dit des mots-clé :
« Là, adens [1] fun, mammifères à intuition. » La tour
Au dromader, face tribune le chien tel

Mène son plan sans fers ni fureur sans pli fort
Pris sur sa distillation, Molière donna le la
A l’écriture à l’os d’un doux roi que tôt tu élargis.

/1_ adens (adv.) : à plat ventre

.

.

« Vu le dromader lu (valeur du mol der) » est un sonnet anagrammé, vers par vers (titre compris), du « Dormeur du val »

Le dormeur du val

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud

.

.

Bohème de non-crédule

Il semble à ma proportion ce monde œuvre
Déjà dans l’or, paradis en superstitions.
Le flux d’un vers ascendant prend pied et fin et situe
En l’air bot des suspens de furieuse flemme.

Ouï tard en cinquième parole, l’en-vers sort,
Vaque sans fier secret ni aparté de page à
Page, en contre-sens, et derrière perd du sens
Sur les siens, gros, lourds de jeunesse muette.

Ici vaste franchir son embase[1]vivante.
Vu le crédule dans nos ans – à sa portion,
Ses liens bidon –, se dépasser tôt sans se rompre.

Sur l’envers jongler cette litote, prem[1]fibre,
Ion suspendant l’inachevé et les tercets
Raccommodent le sens écrit au zénith débotté.

/1_ embase (n.f.) : partie (d’une pièce, d’un instrument, d’une machine, d’un ouvrage) servant de support ou de renfort
/2_ prem (adj. Inv.) : premier

.

.

« Bohème de non-crédule » est un sonnet anagrammé, vers par vers (titre compris), du « Bonheur de ce monde »

Le bonheur de ce monde

Avoir une maison commode, propre et belle,
Un jardin tapissé d’espaliers odorants,
Des fruits, d’excellent vin, peu de train, peu d’enfants,
Posséder seul sans bruit une femme fidèle.

N’avoir dettes, amour, ni procès, ni querelle,
Ni de partage à faire avecque ses parents,
Se contenter de peu, rien espérer des Grands,
Régler tous ses desseins sur un juste modèle.

Vivre avec franchise et sans ambition.
S’adonner sans scrupule à la dévotion.
Dompter ses passions, les rendre obéissantes.

Conserver l’esprit libre, et le jugement fort.
Dire son chapelet en cultivant ses entes.
C’est attendre chez soi bien doucement la mort.

Christophe Plantin

Un commentaire sur “Deux sonnets anagrammatiques

Laisser un commentaire