Empirique fossile, 5

par Marie de Quatrebarbes. Lire ici tous les épisodes

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Nous vivons embarqués. Chaque parcelle de bois flotte au-dessous d’une solution de mer et de roche. À tout moment le sol peut se dérober et nous entraîner avec lui. Nous mourrions noyés sous la terre, enfouis dans le sable. Là où la mer était présente pousse désormais un jardin. Il y a dans le sol des coquillages de petite taille, des fossiles, des os, et dessus souffle le vent, jaillit l’herbe, mûrissent les fruits. Le sol limoneux se traduit à la surface dans le vert des feuilles, le rouge dans les roses. Il y a tristesse et tristesse. Les camées sont les visages d’amis disparus. La somme des coquilles brisées a produit un sol mou, friable. Le sable, en laquelle ils se calfeutrent, est d’une finesse infinie. Le camée hérite d’une forme comprise en sa beauté. De cet empilement de couleurs le graveur de pierres précieuses tire parti. Chaque couche du coquillage, il la prélève à sa salive, son attendrissement. Le Grand Camée de France, le plus ancien qui existe, raconte l’histoire d’un corps pris dans les marées et les chocs. Il n’expose que secondairement l’apothéose d’Auguste. Le coquillage ne parle pas. Tout au plus il gémit. Il ne dit pas son histoire mais nous la devinons. Approche-toi. Penche-toi au-dessus de lui – j’entends, en esprit. Les créatures les plus faibles, les atomes à coquilles et les mini-méduses dont nous parle Michelet, épousent ses contours. Les berges sont fraternelles. Elles se soutiennent mutuellement. Face à l’inexorable, pensons un instant aux récifs coralliens qui résistent. Il y a beaucoup à apprendre de la régularité des fluides. Le sang dans notre corps s’ajuste au mouvement des marées. Levons les yeux et voyons ce qui suit. Nous sommes entourés de couleurs criardes. L’atmosphère est déchirée de bruits violents. Si ton voisin plante un clou dans l’après-midi, souviens-toi de celui qui disait : c’est mon pivert qui travaille.

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À suivre…

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