Par Aurélie Foglia
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livres en train de s’effacer en s’effaçant nous effacent nos bouches à ancêtres
étaient nos jambes en poussière sur quoi s’appuyer
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qu’allons-nous faire quand ils nous aidaient à rattraper un peu de temps
le garder dans le creux
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où sont-ils les ronds d’ombres qu’imprimaient leurs feuilles sur nos têtes
ceux qui osaient nous regarder en face avec nos yeux
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une poignée
se refusent
se sont rangés
vous tournent
le dos quand vous les convoitez d’en bas
plaquent
sur leurs corps sans formes leurs couvertures remontées jusqu’au cou
avec des expressions fermées
leurs pages restent collées comme un oiseau qui ne peut pas décoller
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un livre vous écorche
votre nom
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reste nourrissant
pour qui veut encore
devenir
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transporte
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tente
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votre fleuve
à fond
dans son carton
percé
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qu’un lecteur vous trépane
mange sa soupe
dans votre crâne
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c’est normal
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il ne faut pas s’en faire
un monde
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si d’autres armés d’ongles
vous prélèvent et broient
les organes pour en exprimer
le sang à chaud
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c’est bon signe
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ils aiment
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un volume n’est pas plat
quand on voit ce qu’il contient en termes de montagnes de continents qui circulent
des hommes qu’on a pu agrandir au passage y tiennent debout comme vous et moi des arbres crèvent le plafond sans provoquer
de ruines sauf que les temps se rentrent dedans ce qui entraîne avec eux une sorte d’épaisseur de chaos dont on n’a pas trop l’occasion dans sa propre cuisine
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qu’est un bouquin à tout prendre
sinon un coquillage tigré avec dedans un coffre à bijoux en toc avec dedans une montre qui s’affole avec dedans un boîtier fracturé avec dedans des visages obscurs avec dedans un univers en expansion
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les livres dites sont utiles
font des piles font des piliers font des pieds de table à notre lit inutile
de les ouvrir souvent les mondes qu’ils couvent n’éclosent même pas une fois par vie
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ne venez pas me raconter qu’un livre est une fiction
quand je vous vois vous inscrire pour être
les tristes personnages d’un bon drame classique de la tranquille tragédie
lisant dans votre bonheur qu’il sent mauvais dès le début
au moins améliorez-moi un peu votre roman en évitant de tomber
dans tous les clichés
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il faut que les mots soient là non seulement les mots
mais les mâchoires les mains dans les gueules qui ont essayé
de creuser pour trouver une issue par le bas comme un trésor
infect vous ont offert leur échec serti dans le coffret de leur mort à l’infini
(vous ne saviez pas si vous deviez accepter vous ne savez toujours pas partagés)
sont venues vous remettre non pas les clefs mais ces poignées de terre durcies dans un sang
lot qui vous marbrent les doigts
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cache à l’odeur d’iris
pliant sous les ormes malades pour goûter
hamac dans un coin reculé de vert
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lit d’enfant bleu à barreaux volatilisé
voltaire laissé vacant par l’arrière-grand-père en velours safran
grenier par temps gris communicant avec la réserve
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où tu pour la première fois pris tes genoux dans tes bras
captivé par ton corps se détachait pour courir loin de toi
des aventures que tu ne serais jamais allé imaginer
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on te cherche en battue ne réponds plus
à ton nom te crèves les yeux à déchiffrer
les phrases sur tes mains que tu fais naître
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on a tous connu un homme un savant
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devenu fou en raison
d’une foule de livres
qui s’étaient mis à parler
tous en même temps
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rendu sourd à sa femme sa famille
sa voix mourut étouffée
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le monde joue de la viol
ence les images déforment
vos miroirs sans mal
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l’amour universel
déçu balance de l’acide
à la face des plus belles
idées inaccessibles
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sur la place s’empilent des corps
des livres blanchâtres
nus pour qui on brûlait
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dans la cuisine
peinte en rouge
les enfants crient
de faim dieu est
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un auteur dangereux
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À suivre…