Six poèmes

Par Pierre Peuchmaurd

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Parmi les tout derniers poèmes écrits par Pierre Peuchmaurd, décédé le 12 avril 2009, figurent les six poèmes que nous présentons ici. Un septième de la même série, Le papier, a paru aux éditions Le Cadran ligné. Quelques précisions sur leur date de rédaction nous ont été fournies par sa compagne Anne-Marie Beeckman, sur la foi de l’agenda que tenait le poète :
dimanche 8 mars : « Les oiseaux, les fourneaux » et « Le riz ».
lundi 9 : « Ses lointaines aventures »
mardi 10 : « Le papier » et « Lait rond »
mercredi 11 : « Fer de mer » 

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Les oiseaux, les fourneaux

Les oiseaux vont et viennent,
ils viennent et vont comme les amis,
distincts et indistincts
Les amis ont de longues provinces
Ils se demandent ce qu’ils vont faire
des fourragères, des étagères
Les amis gèrent le sang

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Hauts plateaux, faux fourneaux
la terre décalque l’air de la terre
l’hiver imite l’hiver du temps
le tigre chante le chant du tigre
Dans les cavernes, le tigre chante
le chant du vent, la peur se noue
sur les jardins, les livres poussent
leurs longues branches blanches

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Le riz

Le riz revient avec le vent
la poussière avec les balcons
les mariés s’en vont dans le vent
les mariés s’en vont en nuages
de poussière rose dans la poussière
Les huîtres aux ailes d’argent
restent seuls sur les balcons plats
avec la robe des sangliers
Les mariés luttent dans la poussière

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Ses lointaines aventures

Sa renarde sur l’épaule, son autre entre les cuisses, elle s’en va vers la mer, elle n’y arrivera pas.

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L’oiseau blanc de bois dans la lumière, ses lointaines aventures. Sa mort, joue contre joue.

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On regardait brûler les cerfs. Leurs cris nous vrillaient les mâchoires, un sang noir refluait au cœur, revenait en bile. On regardait les cerfs brûler.

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On fait les poches des chevaux, on les prend par la manche, on leur embrasse le cœur et jusqu’à l’abattoir on leur raconte l’histoire.

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Lait rond

Un grand héron
avec un plus grand cri
et un petit cri
s’abat
sur le cri du saumon,
remonte le monde
raconte la ronde,
c’est encore l’heure

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Fer de mer

l’enfant poumon dans sa caverne
le lavoir noir qui ne bat plus

le temps dans l’ombre, dans la lumière
la violette et la douve
le sein sur l’herbe

la haine est une matière rose avec des dents
crémées

l’homme est une matière
rose
avec un attachement spécial
à la matière

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Pour être poète

Il faut avoir les mains propres, la cravate étoilée, être ce menuisier de l’air qu’était Jean Malrieu, cet oiseau charpentier qu’était Ramón López Velarde, qui fut jeune avant d’être mort, emprunter à la mer les raisons de la mer.

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[Illustration : Antoine Peuchmaurd]

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