Cœur. Ciel céleste

Par Beppe Salvia. Traduit de l’italien par Guillaume Condello

.

.

Ecrire, je l’ai appris de mes amis,
mais sans eux. Tu m’as appris
à aimer, mais sans toi. La vie
avec sa souffrance m’a appris à vivre,
mais presque sans vie, à travailler,
mais toujours sans travail. Alors,
alors j’ai appris à pleurer,
mais sans larmes, à rêver, mais
je ne vois en rêve que des figures inhumaines.
Ma patience n’a plus de limites.
Je n’ai plus de patience pour rien du tout, rien
ne restera plus de nos destinées.
J’ai dû aussi apprendre à haïr
auprès de mes amis, et de toi, et de la vie entière.

Extrait de Cuore. Cieli celesti.
repris dans I begli occhi del ladro, Il Ponte del Sale, 2004.

.

.

Elégie

I

nous revenons sur la route déserte et blanche
au monde où les bruits sont d’autant plus
nus qu’ils sont loin de cette terre
nue nouvelle des bois si

blanche de neige si silencieuse
on ne se moque pas on ne sourit pas, seuls
heureux nus nous sommes la route
silencieuse et déserte dans les cieux des étoiles,

les cieux où les martinets croisent le fer
leurs prises de bec silencieuses,
et des baisers plus beaux que ces beaux vols,

tu ris tu te caches tu me caches les yeux
tu fais la lune l’oie blanche ronde
neuve dans les cieux nue silencieuse

“Cieli Celesti”, in Cuore. Cieli Celesti.
repris dans I begli occhi del ladro, Il Ponte del Sale, 2004.

.

.
II

il n’y a pas un seul loup blanc dans la neige
vivant grinçant de ses dents blanches
vivant et puis mort et la neige le fige
blanche blessure sur la neige blanche,

si tu t’éloignes Pia je ne vois plus tes
yeux trop limpides tu es une fata morgana
je n’entends plus ta voix ces genoux
aimés me semblent de vent, puis de neige,

tu disparais au loin tu t’éloignes
je ne sais pas on dirait des chiens de chasse
ces ombres d’arbre les fantômes de ton

habit blanc sur la neige blanche,
le ciel a déjà commencé à murmurer,
au ciel tes genoux, silencieuse.

“Cieli Celesti”, in Cuore. Cieli Celesti.
repris dans I begli occhi del ladro, Il Ponte del Sale, 2004.

.

.

*

Nous avons dans le cœur un amour
solitaire, notre vie infinie,
et dans les yeux le ciel comme chemin
changeant. Les côtes pour paradis, les rives
couvertes de pierres et de buissons et la prêle
solitaire, et avec leurs gras quartiers
herbeux, les villes déployées comme
magnifiques étendards, et comme prisons nues.
C’est cela notre vie. Nos visages
vagabonds comme des gueules
de chiens qui se ressemblent. Le vent
le soleil les corolles rouges et bleues,
les rêves jamais rêvés, ce sont nos rêves.
C’est cela notre vie, et rien de plus.

Extrait de Un solitario amore, Fandango Libri, 2006.

.

.

Laisser un commentaire