L’absolu, son nom ?

Par Jean-Yves Bériou

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L’absolu, ses yeux de louveteau blessé. Langue qui saigne, chansons.

Déchirons-la, la fleur de cuivre. Son parfum de cloche battue, de vent courant dans les artères.

Et l’étalon assoiffé des siècles dans son petit champ.

Tous ces chiens sur la piste des larmes, à lécher l’ombre du ciel dans les flaques amères du grand jour.

Je distribue le pain acide aux nageurs exténués.

La nuit : un cube dur, incolore et sans fissure. Elle monte dans le ciel toujours plus haut, dirigeable de pierre ponce suspendu au-dessus des insectes, des hommes et des barques noires. La nuit s’enfuit.

Je distribue les couronnes de fleurs du petit jour.

Les calendriers de la colère.

L’absolu, sa douceur, ses tendres murmures, voici venir le ciel, et sa houle d’églantines.

L’absolu salue amicalement la danse des vanneaux. Il sourit aux vanneaux, les vanneaux lui sourient, la mer dort au fond de la mer.

Phoques, c’est au fond vide de nos plexus que vous dormez, sur votre lit de sable chanteur. Le sable de sang sec. Souriez aussi, endormez-vous dans les yeux creux du monde.

Le monde, ses fantômes, la marée basse du ciel, ses yeux de verre sur la table de l’horizon.

L’absolu, son nom ? Un nom d’algue, celui des fontaines aux fougères, des sources sanglantes de haute-mer : on l’oubliera.

Le sable chante, il se souvient de tout, de l’amour et de ses miroirs d’écume ; le sable chante toujours plus fort : creusé par les corps des amants, le sable pousse de petits gémissements de joie quand il voit passer les oies sauvages, l’orchestre de l’absolu.

Musiciens de l’absolu, endormons-nous en jouant : sur notre sommeil veilleront les vanneaux.

Rêver, ne pas rêver, le poids du monde : une plume d’absolu dans le lit de sable de l’oiseau.

L’absolu ? Le poids d’une plume d’oiseau dans le lit de lave du monde.

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Ce poème est extrait d’un recueil qui vient de paraître aux éditions Pierre Mainard sous le titre : La Confusion des espèces.

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