Hommage à Pierre Alferi

par Alexandre Curlet & Aurélia Declercq*

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Dans un détail de peinture, Château au bord d’un lac**
dans une couverture, Chercher une phrase***
de Pierre Alferi

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hommage-fiction

*1ère partie, A.C., 2ème, A.D.
**Ambroglio Lorenzetti
*** Bourgois, 1991

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Tableau-Couverture P.A.A

Arpent s’entend aller dehors, avance. Un spectre de pont-levis dans le seuil d’air, il l’imagine, peut-être aérogel, cellule de chose, poussée en lui, champignon amené par l’absence sous son pied rythmique, sur le marchepied d’une pierre de taille, taillée, coups dans la roche, marche, élément d’encore, élément du refaire des passages à l’austérité des arrêts. Si les seuils sont sans limites. Il sort du château, organigramme enclos, traverse l’absence de pont-levis. Air hors l’architecture dure et l’humidité, sortilèges d’Arpent. Sorti Arpent siffle, siffle des trilles, à l’inverse ce vent-coulis aux fentes à garde meurtrières creusées dans le Fort de la chasse gardée au fusil des coups d’œil. Passé. Passages à l’herbe, rumeurs autour lui dans l’allure, stridule de grillon. Se dirige dans l’allée, vers le verger affublé du seul arbre que connaît sa peau s’il cueille, le fruitier compliqué le pommier qu’il hume de loin dans la pupille, un pressentiment du fruit complète sa paume. Rire, je l’appellerai Sophie. Il redistribue ondes, nervures, à faire la part de la lyre et des tendons, en chemin pour l’instant seulement dérouté par ce qui emplit l’immense de bourdonner : un point fait fou trace & plie des lignes il cherche au perçu ornements viscéraux viscérales en l’air arabesques allantes. De chercher, de trouver. À la limite (ses seuils sont des membranes) d’un passage une traversée d’haies sa pensée lui dit chercher, phrase ou suc, ça le goûte d’un coup qu’il pourrait faire l’insecte et l’image tombe, il y tombe dans l’avant ressurgit se remémore l’abeille, collée sortait sa langue sans signes que son corps danserait, lut-il, sa langue-trompe à butiner, figée dans le miel débordant d’une cuillère matinale avant la tasse fumante. Ça l’hante-vibre à gonfler l’espace interne à en colorer les lieux. Autour lui le point continue ses z. Se dit éviter le suave oui, non à ça, oui à la déroute des précisions rythmées, des chaos contenus, des paires d’ailes translucides à nervures, à refaire les lignes fluides. Mais les pas mènent, arbre dressé là, feuillage clairsemé, petites rondes trapues. Le nez en l’air, son pied écrase, boue fruitière et talon amolli dans les émanations l’élèvent vers le bien-être, la forme du moment : des diagrammes moléculaires dans l’odeur des pommes. Ça l’excite — effluves, excitations — sans pareil à la structure des grammaires coites, sauf s’il rit quand il les déjoue les disant. Arrêté, genoux fléchis, il met un doigt dans la terre et le savoir est sensuel l’humidité peut être d’air ; les éléments, contre la stase. Comme recevoir des claques mouillées depuis l’eau invisible. Les vagues atteignent, dévient son attention qu’il arrache de l’écorche intouchée, clapotis secs. Il aime se sentir tourner opère la rotation : la tête, le cou, le buste, une suite articulée, le pivot dans l’axe du corps autour de sa colonne et deux craquements, les mouvements dans la vue : le paysage impacte. Regarde. Il regarde. Se transforme en collines en lac en soleil en scintilles, bleu-vert modulé dessus. Et cette barque qui creuse depuis la présence. Il y a des tendances. Il y a des tendances qui nous portent jusqu’aux berges, au décollement des surfaces, c’est savoir troubler son socle. Ici, dans la portion d’herbes, nuances de fleurs, nuances d’insectes, interposée entre lui et lac, la terre est spongieuse au lieu des grenouilles qui sautent à mesure du pas. Coasser, tout aussi chant qu’oiseaux. Et le bois flotté courbe, faire feu ou glisser l’eau. Dans l’eau, saccades, des têtards évoluent, colosse de Rhodes, d’argile, dans la forme de vaisseaux, devant lui ; perspectives œillées au possible du derme. Bien, mais au bord, il est là, regardant par le départ, cueillant le tout dans deux paumes vides emplies continûment contre-formes de ce qu’il saisit, préhensions d’un œil-de-tête tâtonnant son expression immédiate, ou retardée, ou avalée, il cherche, se fraye un lieu sien où remuerait ce qui le précède, à transmettre la vue d’un monde à phrases où nous habitons, lui, et les siens, chose peuplée, potentiel tout-le-monde, invisible se fiant aux silences des réserves, creusant le ressac d’un lac où quelque chose monte quand il écoute. Les pieds mouillés, il sent que se mouvoir est l’acte dès qu’il s’accorde, que la matière en lui le transforme quand il la dit.

Je suis sur la sortie. Les défauts rythmés de l’enfermement, je passe. Sans je circonscrit ; pore du lieu. D’une main, ouvrir la porte du château, et, échos l’un devant l’autre, s’éloigner de l’exquis du brouillard intérieur : soif du décuplement, désormais. Le diapason des voix spectrales infusées aux teintes de l’entour ; accoutrement de salive. Je vais. Allant dans l’aller à reculons du devant. Je vais. Chercher une phrase. Chercher la barque. Je marche. Derrière, porte fermée du château de l’immense repli. Ce qui se laisse là, se retrouve plus loin. Oeil ruant. Foison du chaque chacun à la ligne. Bourdonnements extérieurs et divers ; chair de pomme sur l’arbre formulée par l’abeille. Elle tâte. Avec sa trompe. Dans le plissement de l’encore. Scission de moi : champ de bataille, profusion par le son tandis neuf il se dit dans l’octave du fourmillement, mélodie d’à-coups c’est la petite abeille susurrant par le dehors me labourant me défaisant me refaisant me rejoignant dans le prisme du aller que ça ira l’aller du là ici même. La pomme tombe de sa branche. Toupie à sucs : non-pointillée. Rire, je l’appellerai Sophie. Et comment, dirait la voix me disant en marche, m’errer la tête en bâtissant des ponts ? Là : ombre du château sur le terrain vague du devant. Elle voudrait parler. Presque. L’ombre. Faisant office. Je laisse à ce qui, sans en faire un lapsus de pierres. Et, se disant, s’en suit le vert de l’herbe, mes petits pas dessus, sifflant ma bouche, air non-final : oui, je suis un jour de plonge. Bien. Allant. Vers membranes de soupçons, c’est chose de toujours malgré. Ciel, dessus tête : bleu à la limite de se briser, vice-versa. Ciel, dessous voix : ignorant si elle perdurera jusqu’au nimbus, revenir encore vers venir, vais-je ? Durant la marche, les cadences drapent les soliloques, ignorant si elles sont le fruit du nécessaire émergeant de vous ou du dehors : chorégraphies. C’est le vol de l’oiseau qui fuse : pourrait-on l’attraper. Arrêter son mouvement. Fixer son horloge à bec. Quelques secondes, se regarder yeux dans les yeux le fond en face. Puis, le laisser dans le rêve débattant sans cesse avec ce qui le réalise, indistinctement. Bien. Dirais-je. Aller. Je vais. Je marche. Cherchant la réitération, les bras m’en tombent. Et le ressassement conjugue sa suite ; à oui-dire. Petits tracas ci et là, graviers à la limite du sable, sentier-index, or fugacité. Poursuivre. Sachant que j’imite ce qui me morcèle. Imperturbable dans le délitement, poser un pied, puis l’autre. Jusqu’où. Voyons, comment ne pas le savoir par les yeux. C’est du non-mordu, plus loin : il appelle. Et malgré moi, le soleil déplace, faisceau de lumière avec ; ces instants de temps conjugué efforçant la brièveté de ce qui m’accoutre. Oui, regarder, hors de soi : collines. Longtemps j’étais une pièce du puzzle, puis ça se tait. Puis ça s’est tu. Surface corrélative. Musculature de l’inachevé. C’est comme avancer en dessinant, par les empreintes, ce qui reste coincé dans ma gorge. Ainsi je l’entendrais presque dire, crier, par elle-même, la petite barque en bois sur l’eau : devant est beaucoup. Sur les flots dont personne ne détient le nom. Alors, je poursuis. Les aléas jubilatoires, jusqu’à une destination qui se contredit. De la terre sous les souliers, labourant ce qui ne se voit plus. Trajectoire dont on ignore si elle enchante ou divise : la voix tranchera plus tard. Désormais, atteinte. La berge. Le clapotis environnant d’une eau continûment fractionnée, mais calme. Du muet, parle et détaille, ce qui m’invite jusqu’ici, quoi ? L’ignorer. Regarder, la courbe de l’eau. Dans la barque, si j’ose, déposer d’abord le petit de la forge, mes ustensiles de déplacement, rotules du avoir lieu. Partir ; non, ce n’est pas ; autre départ en sursis. Rester ; non, effort du moindre ; autre immobilité acquise. Songer, aller ou ne pas, m’y joindre. Ne savoir. Ne trancher. Le visage me retourne, j’avais acquiescé, déjà, dans le départ même. J’avais dit bien des choses, en allant, sans les déposséder de ce qui ne me regarde pas. Désormais, ma plante des pieds usée, alentour de taille, barque à ressac ; à perte de vue, comment y siéger ? D’abord, avec les chevilles mouillées, élaborant les théorèmes sous-cutanés dans les allers-retours du j’arpente. Ce qui porte jusqu’au seuil me chasse à l’encontre. C’est l’aller, enchaîné dans la présence, j’y ouvre ma peau. 

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