À quelle fin le langage nous manie-t-il ?

par W. S. Graham
traduit de l’anglais par Samuel Martin et Anne-Sylvie Homassel

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Premier poème

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Disait Malcolm Mooney en s’éloignant
Lentement sur le langage blanc.
Où vais-je dit Malcolm Mooney.

Certaines expériences semblent ne pas
Vouloir rentrer dans le langage peut-être
De par la honte, la leur ou celle du lecteur.
Observons Malcolm Mooney.

Traversons les faubourgs et poursuivons
La route juste comme ça pour voir
Ce qu’il fera. Lecteur, cela
Est sans importance. Il va seulement être

Moi-même et pour toi un peu toi-même
Se voulant autre. Il est tombé,
Il tombe (Les temps sont partout.)
Au fond d’une prison de verre.

Je suis dans une crevasse bleu-vert
Et sans téléphone, dont je ne peux sortir.
Je mets l’argent qu’il faut pour que tu hisses
Mes messages lorsque tu es aux alentours.

Je t’imagine les ouvrir à la lumière
De minuit des Joyeux Danseurs.
Ce qui compte, c’est savoir si tu voudrais jamais
Te retrouver ici sur la ligne de gel

À lire les mots qui s’échappent en vapeur
Contre la glace ? En tout cas hisse
Mon message plié des profondeurs
Entre les prismes penchés.

Lentement sur le langage blanc
Avance Malcolm Mooney le sauveur.
Ma jambe gauche est engourdie.
À quelle fin le langage nous manie-t-il ?

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Deuxième poème

1

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Il nous manie tous et dans l’obscur
De ses actions obscures les sélections varient.

Je ne vais pas faire le pitre
Pour toi. Ce que je fais c’est
De la place pour le langage dans ma vie

Dont je veux qu’elle soit endroit réel
Vu que je dois la supporter
Quoi qu’il en soit. Que nous font les fautes

De Communication dans le médium
Magique ? Elles importent seulement dans
La mesure où nous voulons nous raconter,

D’un vivant à l’autre.
Je veux pouvoir parler et chanter
Et faire que mon âme se produise

Devant les meilleurs et qu’on la respecte
Pour cela et même qu’elle soit comprise
Par ceux que j’aime et qui sont morts.

J’aimerais parler devant
Moi-même avec toutes mes oreilles vivantes
Et comprendre ce que je veux.

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2

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Quelle forme de mots nous embrassera
Pour plus que du plaisir ?

J’ai croisé un homme dans Cartsburn Street
Éjecté des Cartsburn Vaults.
Willie il a crié et j’ai traversé la rue

Pour le rejoindre à l’embouchure du Close.
Et c’était Sam au veston croisé
Un parent éloigné de ma mère

Du côté ouest-irlandais. Bonjour Sam
Comment m’as-tu reconnu et il m’a dit
Je t’ai entendu chanter The Sweet Brown Knowe.

Ah bon ai-je dit et Sam de répondre
Maggie aurait bien aimé te voir.
On se reverra ai-je dit, et lui :

Je ne veux pas te retenir ; il s’est retourné pour
Prendre le raccourci à travers
Les voies de garage à minuit.

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Du temps et des mots dominants
Chaque objet se cache dans une métaphore.

C’est le matin. Je prends une route
Qu’on dirait de Vlaminck aux ornières
Bleues. Willie Hochequeue est par ici.

Venu de l’Ouest un léger crachin
Passe à travers la haie.
Je suis là seulement pour me promener ou

Pour inventer ce poème. La colline est
Une tête brillante et bleue en macadam.
Je m’adosse au poteau télégraphique

Et les messages bourdonnent le long de mon échine.
Les fils perlés d’oiseaux au-dessus de ma tête
Contactent Londres.

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Il nous manie et dans l’obscur
De ses actions obscures les sélections varient.

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Troisième poème

1

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Le Roi des Baleines avait le vif désir
De m’entretenir de la façon dont
Je m’y étais pris pour briser
La Grande Barrière. Je ne pouvais parler
Ou lui répondre facilement dans le blanc
Cristal de l’Art où il m’avait posé.

Qui est le Roi des Baleines ? À quoi ressemble-t-il ?
Tu as lieu de te poser la question. C’est
Une sorte de vieil oncle à moi et à toi
Conduisant son traîneau sur l’aveugle
Calotte glaciaire entre nous dans ses fourrures
Criant après ses chiens voyous.
Quel est son but ? J’essaie de trouver

Ce que c’est qu’on désire en me défaisant
De mes habitudes, c’est-à-dire mon nom
Pour lui demander comment je peux faire mieux.
Chutant d’un bloc de glace j’ai glissé
Dans l’eau des morses beuglants
Pour ma quête. Je n’ai trouvé personne
Au bout de mon cri froid.

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2

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Les mariniers avaient des mots marins
Qui gréaient les pensées de leur mer intérieure
Sur le gaillard d’avant et chez eux au milieu
De la cuisine de leurs semblables. Jack
Le vieux goudronné est surpris par un coup
Porté au cap de sa mer domestique.

Sam, j’avais pensé y retourner
Mais ça n’est pas une vie. Je me suis engagé
Il y a des années et ce n’était pas le bon navire.
O quitte-le Johnny quitte-le.
Sam, quels sont les lecteurs à bord ?
Il n’y en a qu’un seul, capitaine. Qui ça ?
Moi-même, capitaine, de Cartsburn Street.

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3

À quelle fin le langage nous manie-t-il ?
Je l’ignore. Les mots ont-ils jamais
Fait quelque chose de toi, près d’une espèce
De vérité que tu croyais être ? De moi
Non plus. Les mots comme les albatros
Ne sont qu’une nuance incertaine vers
Mon départ et toi qui lèves la main

Pour parler et illustrer une catastrophe
Observée. À quelle fin le temps
Nous manie-t-il là où nous nous tenons prêts
Avec toutes nos liures linguistiques à bord ?
Le vent naissant fait claquer la voile.
Tu es prêt ? Tu es prêt ?

© The Estate of W. S. Graham

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