Mythologiques

par Jules Masson Mourey

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Retour de croisades. Un vieux cyclope fort las après avoir beaucoup tué s’assoupit au pied d’une naine rouge. Son poitrail est bardé d’emblèmes algébriques, sa pèlerine est la fourrure d’un enfant. Au flanc du malheureux cheval, la fracture pyramidale. La soupe de viande et d’os fait déjà de gros bouillons. Il rêve sans y penser dans son cerveau noir. Les formes et les couleurs d’abord ; la coquille en spirale du nautile, le cuir du crotale, la queue du paon, l’arc-en-ciel et les ailes du papillon. L’Univers partout flotte, les anémones s’ouvrent et se ferment, l’idée et l’odeur de la mer. À présent des lions sortent de la vulve des planètes femelles et expectorent des fleurs ensanglantées. Il neige sur les comètes. Printemps, été, automne, hiver, les quatre points cardinaux fléchés aux quatre angles, les minarets, dressés, abattus, et les totems aussi, la tectonique des plaques, l’idée de la mort et de l’amour, l’opéra-comique, les lèvres ourlées des fées, les hématomes sous leurs yeux, les villes chinoises et les petits savants idiots. Voilà donc le fameux miracle, ce pourquoi nous célébrons la messe tous les dimanches… !

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De cette fente ouverte entre les cuisses brunes de la colline
sourd l’eau qui fait la vigne touffue
l’eau dans laquelle les jeunes gauloises baignent leurs corps de midi
cruelles, sous les yeux bandés du pâtre farouche

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Le jardin était rempli d’oranges et de grenadiers
au bassin les carpes koï en armure faisaient des ronds muets
des gnomes hermaphrodites se roulaient dans l’herbe
une grappe de mûres et un demi pain doré pour tous reliefs du déjeuner
avant qu’il ait le temps de me raconter la même histoire une centième fois
entre deux liqueurs
j’avais mis un long flingue dans la bouche du vieux soleil punique
pour lui ravir enfin sa fille cadette
celle avec les épaisses boucles noires
avec les yeux de vestale et les lèvres ourlées
glossées à la menthe
avec la petite croix tatouée derrière l’oreille
et les crécelles aux chevilles
c’est alors seulement que j’ai vu ma main
comme une bête sauvage
qui ne m’obéissait plus

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Et sous la voûte sertie de joyaux éteints
le visage frappé de soleil
Sara la Noire imprima ses sandales
dans la bourbe capiteuse du Vaccarès

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[Illustration : Afon Mawddach, Pays de Galles, photo PV]

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