5 poèmes

par Ágnes Nemes Nagy. Traduit du hongrois par Guillaume Métayer

Ces poèmes sont extraits du premier recueil en français d’Ágnes Nemes Nagy, Les Chevaux et les anges, à paraître début 2022 aux éditions de La Rumeur libre, dans la nouvelle collection de poésie centre-européenne lancée par Guillaume Métayer.

Ágnes Nemes Nagy (1922-1991) est l’une des grandes voix de la poésie hongroise de la seconde moitié du XXe siècle, la plus grande voix féminine avant Krisztina Tóth. Elle a commencé dans l’exigeante revue Újhold (Nouvelle lune), vite censurée par les autorités staliniennes (1946-1948), à laquelle prirent part des poètes et écrivains aussi importants que János Pilinszky, György Somlyó, Iván Mándy, István Örkény, Magda Szabó et Ferenc Karinthy, ainsi que son mari, l’écrivain et critique Balázs Lengyel, avec qui elle a été érigée comme « Juste parmi les nations » pour son comportement pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Ágy Nemes Nagy, refusant d’écrire dans le style du « réalisme socialiste », fut interdite de publication pendant des années par le régime communiste. Ses poèmes, en prose et en vers libres et réguliers, ont marqué des générations de lecteurs et de poètes hongrois.

Également essayiste et traductrice, notamment du français et de l’allemand, elle a donné des versions hongroises de Corneille Racine, Molière et Hugo, mais aussi de Brecht, Dürrenmatt et Rilke.

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Hiver romain

Pour les 70 ans de Sándor Weöres

Vous souvenez-vous de l’hiver romain ?
(Je le mentionne en guise de petit signe-tranche.)
Qui nage dans nos passés
comme un quartier-d’orange givrée.

Et les chats là-bas, aux raies longitudinales,
(Quels rails en forme-de-quartiers !)
Faites-nous, je vous prie, comme jusqu’à présent
avec des quartiers un monde rond et entier.

Római tél

A 70 éves Weöres Sándornak

Emlékszik a római télre?
(Kis jel-szeletként említem meg ezt.)
Mely úgy úszik a multjainkban,
mint egy jegelt narancs-gerezd.

Na és a macskák ott, hosszanti csíkkal,
(Micsoda gerezd-forma sávok!)
Kérem csináljon, úgy mint eddig is,
gerezdekből teljes, kerek világot.

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J’ai vu cela

J’ai vu cela. (Jamais je ne le vis).
Je suis venue ici (Jamais ne m’y rendis).
Peut-être est-ce en une autre vie
Que je découvris ce pays.

Peut-être est-ce en une autre vie
(Ou peut-être en quelque autre mort),
D’un voile d’inconscience obscurcie
Lorsque je suis venue ici.

Ou bien je ne suis jamais partie.
À fouir la terre, je fus toujours ici.
Et je m’y trouve à présent, étourdie
En cette exsangue résurrection.

Én láttam ezt

Én láttam ezt. (Még sose láttam.)
Én jártam itt. (Még sose jártam.)
Egy másik életben talán
Erre a földre rátaláltam.

Egy másik életben talán
(Vagy valamely másik halálban),
Amikor öntudatlanul
S elfatyolozva erre jártam.

Vagy el se mentem én soha.
Itt voltam mindig, földbe-ástan.
S most itt állok, még szédelegve
E vértelen feltámadásban.

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Animaux

À travers tant d’années le soleil a lui :
Je suis plus ancienne, et plus heureuse ainsi.
Je le comprends bien.
La peur de l’enfant qui frémit
animale, commence à sortir
de mes os. Mes genoux sont sains.

Mes serpent, chien et léopard,
Ne soutiennent plus mon regard,
Ils reculent.
Et mes animaux tête courbée
Je vais en nombre les promener,
À courte laisse sur l’avenue.

Mes années passées et à venir
M’ouatent et protègent des deux côtés
et la honte
injuste ne m’atteindra que si
il me faut céder moi aussi
à la mort animale.

Állatok

Sok éven át sütött a nap:
Vénebb vagyok, s így boldogabb.
Megértem.
A gyermek rezgő, állati
félelme kezd kiállani
csontomból. Ép a térdem.

Kígyóm, kutyám és tigrisem
nem bírják el tekintetem,
farolnak.
S lesúnyt-fejű sok állatom
szűk pórázon sétáltatom
a megnyíló fasorban.

Mult és jövendő éveim
vattáznak, védnek kétfelől,
s gyalázat
csak akkor ér, méltánytalan,
ha meg kell adnom majd magam
az állati halálnak.

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Les chevaux et les anges

Car à la fin plus rien ne reste,
à part les chevaux et les anges.
Ils sont là, en bas, dans la cour,
et quant aux anges, dans ma chambre ;
parfois par centaines y paressent –
que peut donc faire un être seul ?
Il piaffe et s’arrête à nouveau,
Ou de loin en loin bat de l’aile,
Comme un oiseau s’éventerait.

Ils sont là et rien davantage,
rien qu’un spectacle et qu’un mirage,
que pattes, qu’ailes – ciel, chemin
en eux demeure le lointain –

ils sont si loin, ils sont si près.
Ne nous quitteront plus, qui sait.

A lovak és az angyalok

Mert végül semmisem marad,
csak az angyalok s a lovak.
Csak állnak lent az udvaron,
az angyalok meg a szobámban;
csellengnek néha szinte százan –
egy lény mit is tesz önmagában?
Feldobrokol, s ismét megáll,
vagy szárnyát csattogtatja olykor,
mint egy szellőzködő madár.

Csak állnak és nincs semmi más,
csak látvány és csak látomás,
csak láb, csak szárny – az út, az ég,
bennük lakik a messzeség –

oly távol vannak, oly közel.
Talán ők már nem hagynak el

.

Même

Les poteaux télégraphiques, ex-pins.
Ils sont les sapins du salut
en un au-delà vermoulu.

Ugyanaz

A sürgönyoszlopok, a volt fenyők.
Fenyőfa-üdvözültek ők
egy korhadásos másvilágon.

.

.

[Photographies d’en-tête et d’illustration : François Kenesi]

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