Poésie & cinéma (2/6)

Entretien avec Emmanuèle Jawad. Toutes les contributions poésie & cinéma.

.

.

« Avec les images photographiques et filmiques »

.

.

Q : Pourquoi l’usage de procédés empruntés au cinéma dans le poème vous semble-t-il intéressant ? 

C’est la présence du visuel dans le texte qui m’intéresse qu’il soit photographique ou filmique. J’inclus également au rapport poésie et cinéma celui avec la photographie. Durant mes études de cinéma, j’ai pratiqué le développement photographique à l’époque de l’argentique pendant plusieurs années. C’est l’aspect artisanal très précis du développement et les recherches qu’il impliquait davantage encore que la prise de vue qui m’intéressaient. Les opérations de cadrage comme saisie et prélèvements d’un réel sont souvent évoquées ainsi que le travail de montage dans la réappropriation des procédés photographiques, filmiques par le travail d’écriture poétique. Ce sont aussi les recherches quasi matérielles dans le développement de l’image que je reprends, ce tâtonnement dans le labo-photo autour des contrastes, des filtres, de la densité, des zones de l’image à condenser, accentuer, leur traitement, toutes ces manipulations qui s’exercent aussi sur le texte poétique dans son processus de construction. 

Q : Voyez-vous dans le cinéma la réciproque : l’usage de procédés proprement poétiques ?

Il y a une imbrication des procédés poétiques et cinématographiques. Plutôt que de privilégier l’infiltration d’un domaine par un autre, procédés poétiques, photographiques et cinématographiques se contaminent et mettent en relation des pratiques sous les formes d’une perméabilité, d’une interaction. Dans un article sur cette question, je mentionnais une production d’interférences et de connexions. Des opérations sur le texte poétique et l’image (fixe, en mouvement) sont ainsi mises en œuvre selon des formes diverses : caches, tension vers la neutralité, vers l’enquête, découpage et montage, fragmentation (montage, décadrages), superpositions et combinaisons dans le texte / superpositions des sons (bandes-son). Le geste documentaire circule d’un champ à l’autre : d’une partie du champ poétique jusqu’à la photographie et au cinéma ou encore d’une caméra tournée vers le monde à un texte poétique où le document occupe une place essentielle. C’est du côté de ce geste documentaire mais également des sensations, d’une caméra et d’une écriture poétique frontales et distanciées laissant des ruptures à l’intérieur d’un plan, d’un fragment textuel, d’une séquence que ces contaminations m’intéressent. Mes travaux d’écriture en cours sont traversés par le visuel. Ils se construisent à partir de corpus d’images et restent intimement liés à la photographie. 

.

.

Laisser un commentaire