Des tas de saisons

Par Rémi Froger

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a) * * *

Il collectionnait des visages. Sur des grandes feuilles blanches il collait un nom pour des visages. Il écrivait l’iris s’est inséré dans le front. 

Blanchis-moi. 

Les lèvres sont les yeux d’une erreur du temps.

Il ne savait pas, il n’avait jamais prévu cela. 

Pas un mot ne sort de ta bouche. Séquences et leur train.

Sur la table, il y a une image. Les boucles des yeux sont dérobées. Il lit l’image avec les soleils qui s’en échappent. Il écrit amande avec ses mains. 

Si tu parles une autre langue, dis-moi quelques mots. 

Il ne sait plus de quel horizon viendra la parole suivante.

Il décide d’un paysage avec son visage. A travers la fenêtre il aperçoit des arbres sur les collines. Se coince au ciel. Sa bouche sur sa sécheresse. Il ne peut pas vraiment la voir. Il trace des joues. Ce sont plusieurs terres. Il a cru que la joie s’étendait à travers temps.

Ils sont tombés dans un parallèle. Ils sont tombés, ne se relèveront pas. Il croyait à des phrases sœurs, cousues. Les boucles germent dans vos bouches.

Des phrases sont cachées. Les passants détournent les yeux. D’autres projecteurs resserrent la lumière. Le monde sera dévasté.

Quelquefois il devient un homme en oscillant entre les lignes.

Les nuages fabriqués. Il s’est fait mal. Il avait lu dessous. Observé, fouillé le dépôt d’ordures. 

Il pense film protecteur. 

Il écrit pour la goutte de condensation. Ceci. Trop longtemps.

Rien n’est sûr. Il avait déterré une vieille brique. Les angles étaient endommagés. Des grains roulaient. Mais une fois lavée elle avait retrouvé sa couleur. Tous les points s’aggloméraient aux hypothèses.

Il est un réel plus tard.

Des accidents improbables s’imposeront.

Les événements seront des offrandes. 

Vous vous déplacerez pour essayer tous les noms, tous les verbes.

Il ne se rappelle plus quand le monde avait une forme. Il essaie d’avoir quelque chose à dire. Comment la nature est organisée. Du concentré de tomates en boîte. Une ravine. Une perspective terrible. 

Il ôte des phrases les unes après les autres. Il ne les reconnait plus. Il les jette.

La fente d’un œil. Il replie le commencement sur lui-même.

Il déplie des fantômes à court d’espace. Il les envoie sur des fils tendus, un nombre entre oui et non. Il les décomposes en lames ondulatoires. L’atmosphère à roulements à billes.

Quatre arrivées possibles et ce fut la plus à droite, celle la plus proche des murs ouverts sur la sortie d’un parking, une ruelle, un bout de ville perdu.

Il tentait d’accrocher un détail ou un signe dans la succession trop rapide des passants. Il n’y arrivait plus. Un groupe de mots pour capturer les ondes, l’idée venait en toi, capitulait. La figure sans arrêt surgit.

Bancs, regards, arbustes. Trains. Macarons, paille. Figures et fleurs et jambes. Diffraction. Palais, lèvres, buissons et broussailles. il n’y arriveras pas.

L’image entre sous les miroirs. Les bruits qui sortent de tous les corps, ces voix carboniques, les filtres ramassent les empreintes sonores. Il imagine un message dans la vase.

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b) ***

Terrasses, aromates, colonnes, albâtre. Dors, je veille sur ton image.

On descend quelques marches assez hautes pour arriver sur la place. Des pavés blancs dessinent une composition de demi-cercles. Il ne distingue pas bien l’architecture alentour. Il voit juste un homme avec une caméra sur l’épaule. Il est 16h18. Puis 19.

Retourne aux germes du torrent, je démolis le corridor.

Il a jeté des grenades, puis tiré au fusil d’assaut.

Fais-moi entendre les rayures des collines en face de moi.

Il était monté sur le toit de la boulangerie. On entend quoi, on dit quoi. La chaîne se reproduit. On voit, on  n’entend rien. Le spectacle est truffé de lames cachées.

La meule de blé ceinte de fleurs de lotus.

Un grand escalier. Sur une autre image, on voit une coursive qui fait le tour du bâtiment. Ligne de néon au sommet des palissades forgées.

La fente de grenade de ta tempe, j’oscille.

Les lèvres des dormeurs balbutient.

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c) * * *  

Il abandonne beaucoup d’images. Elles ne concordent pas. Elles s’étalent, plaques d’égout, plan incliné, jardin potager, devanture luxueuse. Il fait le point en respirant à travers tout. Les déchirures, il les reconnait. Il les replace. Il déplace point par point.

Il a dit : on se trompera volontairement dans la description. On en fera un champ de bataille ou un champ de foire.

Il écrit une phrase sans suite qui sera dans le train.

L’écran fissuré est une faim, ces yeux quasi étrangers. Le monde est à venir, constitué, les mêmes fleuves, les mêmes arbres. Il l’enlève.

Il a juste perdu le contrôle de l’inquiétude. Les échos se retrouvent. 

Lapidaire. Clown lapidaire. 

Sujet : ce n’est rien d’incompréhensible pour moi. L’intérieur dans la vie d’une personne, il faut apprendre à le faire fondre.

Lisse quelle heure est-il jusqu’à ce que cela soit plus facile à prendre.

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d) ***

Ouvre-lui la porte. Un personnage. 

Souder ceci : ses cheveux, la puissance de ses cheveux, l’existence de ses cheveux. Souder son visage dans un jour en virant les couleurs. Que cela fractionne la mémoire.

Que la mémoire marmonne des choses incompréhensibles, dont il ne capturait que quelques sons : piano, photographie, rayon laser, régie.

Le photographe est amer. Un visage fixe est une manigance dit-il. Ou un piège. 

Le capteur lumineux. Il a remarqué qu’il connaissait de plus en plus de défaillances. Phrases creusées où la lumière disparait anormalement de tout espace.

Le temps qui manque est composé d’images prises d’un satellite ; de regarder sans arrêt ; de boire au goulot ; de téléphoner pendant quatre heures ; d’autoroutes philosophiques ; de touches secrètes. 

Le photographe a réuni une série de clichés d’empreintes de dents. De morsures dans des objets, des matériaux. 

N’y touche pas. Ne parle pas comme cela. Chose qu’il portait. Tapisserie de phrases. Marche. Arrêt. 

Des agrégats de langage. Pour emboutir ton nom.

Ne pouvait pas se rassasier. Lumière crue. La scène, prétendre que c’est une scène, tous ces mots que nous utilisons, ta propre respiration.

Des étés. D’autres atlas. Des follicules qui glissent sur le pavé. Il décolore ce qu’il est censé dire.

Il montre les fleurs en ordre, chaque matin elle déposait de l’eau dans les vases, nous dormirons dans la douceur.

Il est difficile d’entendre sa voix dans une autre voix. Et pourtant il parlait, il n’arrêtait pas de parler, d’écrire dans cette autre voix.

Le photographe peint la nature visqueuse.

Il est mort ou bien un amas flottant ou bien une nuée d’accents ou bien un nœud dans un transport ou bien une bulle sans écran d’air ou bien.

Techniquement un fantôme plus ou moins bien enregistré.

Pour l’odeur de brûlé, une odeur désagréable, plastique consumé.

Des échanges de pression atmosphérique, il les doit. Il reprend : s’adapter aux transferts des tensions. Les mots sont tirés à travers la carte. Il reprend : tirer les phrases qui gommeront la géographie.

Ajoute quelques mots dans cette direction. Que nous n’avons pas encore parlé. Que nous n’avons pas fini de nous toucher. Une phrase saute, le temps qui, aux yeux.

Il abandonne ton nom sur tous les plans. Il ne comprend pas ton visage. Il le traverse. Il devrait y avoir d’autres mots pour ça. 

Il bascule dans un autre visage. Il cultive des fleurs. Il arrache des herbes. Il bascule pour y voir clair. Clair mourir derrière toi.

L’air est très froid encore. Il apprend la modulation de sa langue.

Que toutes les montagnes soient les tiennes.

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e) * * *

Il a entr’aperçu que le mot nez devenait le nez que ta joue soulevait. Dans le dernier de tes jours, il me parle de choses que je ne comprends pas.

Il répond de ne pas chercher de preuves 

L’aube a reculé jusqu’à ces doigts, ceux qui t’avaient saisi, c’était encore l’hiver. 

Il regarde le tableau électrique.

L’histoire pourrit dans le système.

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