Poetic Transfer, 16

traductions de Céline Leroy. Lire les autres épisodes

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Poèmes de Charles Wright, Caribou, Farrar, Strauss & Giroux, 2015

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Cascades

A quel moment prenons-nous conscience
_____________________________________ que tout s’égare ?
Est-ce l’âge, est-ce un défaut d’adoration, est-ce
Le regret qu’il n’y ait pas d’échelle pour grimper aux nuages ?
Quoi qu’il en soit, nous habitons le quotidien, comme il se doit,
Tandis que quelque part dans notre dos,
_______________________ les cascades chutent et s’enfoncent toujours plus
Loin dans le profond désir du lointain.

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Répit II

C’est vrai, les aspirations de la jeunesse finissent en bandes calcinées avec
_______ les ans.
Ce soir, seuls les souvenirs me servent de compagnons et de répit.
Que ce serait beau s’ils pouvaient nous survivre.
_____________________________________ Mais ils ne le peuvent. Ou ne le veulent.
Pas d’été indien pour nous. Il est rude et sombre dans l’obscurité,
Le soleil couchant soulève la pleine lune du bout de ses ongles longs.
C’est mieux ainsi.
_______ Les impardonnés sont purs, de même que les oubliés.

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L’anguille du paradis

Un petite ride sur l’étang.
Un vent léger.
____________ Un vent léger et le reflet des nuages froissés.
Pas de bourdonnement… Ce qu’il nous faut est une chose sous la peau de l’étang,
Une chose qu’on ne voit pas et qui contrôle toutes les choses que l’on voit
_______ de nos yeux.
Une chose longue et glissante,
_____________________ Une chose qui dépasse notre entendement,
Un avenir pour lequel nous sommes engendrés, des dents pointues, Seigneur,
des dents si
_______________ pointues.
L’anguille du paradis.
_______________ L’anguille du paradis, longue et glissante,
La pleine lune disparue, et rien à sa place.

Un daim mâchonne les longues tiges du monde naturel
Sur la berge d’en face.
______________________ Qu’il est bon d’être ici.
Qu’il est bon d’être là où le monde est latent, et nostalgique.
Aucun vent ne souffle du ciel lointain.
Méfie-toi de la prospérité, mon ami, et cherche l’affection.
Le monde de l’anguille n’est pas le tien,
______________________________ même s’il le sera bien assez tôt.

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Lignes de vie

Lune en douce plénitude juste au-dessus des cimes des pins blancs.
Han Shan aurait pu la personnifiée,
________________________________ mais j’en semble incapable.

Mon pinceau est trop court
Pour trouver les bonnes écorces et rochers qui feraient l’éternité.

Le passé se referme rapidement et nous l’avons presque sous le nez.
J’aime le vent dans son dos.
J’aime la façon dont ses fesses tressaillent et ses épaules se haussent.
Il croit que je ne sais pas où il va,
________________________ mais je le sais, Jack, je jure que je le sais.

Les soirées sublimes du début d’été, le ciel bleu
A l’extrémité, et le vert thuya,
_______________________________ le vert tilleul.

Une membrane si vaste.
Qui retient l’éternité, s’étire loin, pour la retenir.

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Fortune cookie

Les étoiles apparaissent chaque soir dans le ciel, tout est en ordre.
Le vent du nord-ouest, qui remue les jupes du paradis,
Souffle juste au-dessous d’elles.
Elles sont une rivière presque impossible à franchir,
_____________________________________ raconte-t-on.
Mais les étoiles s’en moquent, bien au chaud sur leur trône brûlant,
Offrant aux eaux un miroitement par-ci, un non-miroitement par là.
De temps en temps, toutefois, elles tombent,
_________________________________________ même si tout reste en ordre,
Leur aura flamboyante filant vers le néant.

Ces petites lumières entre les arbres d’automne dénudés
Aimeraient être des étoiles,
Ces fleurs de rhododendrons
_____________________________________ et ces roses blanches qui s’attardent
Aimeraient être des étoiles.
Mais elles ne sont que du foin pour la terre, programmées pour la pourriture et la charogne.
Les étoiles sont à part,
___________________________ au-dessus du vent, au-dessous des cieux.
Cela semble me correspondre, ni trop froid, ni trop chaud,
Le temps dans ses pérégrinations une pause par-ci et une pause par-là.

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