Rites réisophiques

[corps à corps] par Laurent Albarracin

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Nous énumérons ici quelques-uns des rites pratiqués par les Réisophes lors de leurs cérémonies. Qu’ils relèvent d’une discipline ascétique, d’une épreuve initiatique ou d’un acte magique, propitiatoire ou conjuratoire, tous ces gestes et actions sont effectués dans le cadre du magistère réisophique, c’est-à-dire qu’ils en constituent l’enseignement autant que la quête. Ils s’entendent comme le but à l’intérieur des moyens qu’ils se donnent pour l’atteindre, ou comme la réalisation du vœu à l’endroit même où il s’énonce.

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Enterrer une pelle.
Noyer le poisson en lui tournant autour.
Tailler un bâton à partir d’une planche.
Clouer le marteau.
Dresser la liste d’une seule chose.
Atteler deux lièvres à un char pour les courir l’un et l’autre.
Dormir en quatre et se couper en rond.
Allumer des bougies par les deux bouts.
Inventer des paradoxes qui n’en sont pas.
Méditer une patate chaude.
Traverser la route à mi-corps.
Tomber sur un os mou.
Changer une ampoule en lumière.
Trouver un pied à sa chaussure.
Bâtir une catachrèse gothique avec des pieds de chaise.
Déplacer une montagne avec un jeu de mots.
Se laver les oreilles avant d’écouter.
Respirer par l’épaule.
Soupirer par le sourcil.
Se moucher comme une chandelle.
Boire vraiment un verre.
S’abstenir de s’épiler les ailes.
Planter un œuf à midi pâle.
Peler un caillou de ses voyelles.
Compter sur ses cheveux.
Dégoupiller un renard.
Ficher la cible dans la flèche.
Creuser la matière d’un trou.
Égrener son sabre.
Longer une rivière en laissant s’aquareller sa berge.
Se vêtir d’une cabine d’essayage.
Se laisser soi-même au vestiaire.
Déraper du verbe dans la chair.
Monter sur un changement d’échelle.
Couper les cheveux en huit pour y trouver la boucle de l’infini.
Boire un verre d’eau avant d’aller se doucher.
Saler son malheur avec des larmes.
Glisser une plume sous les pierres comme la mèche de la légèreté.
Planter des aiguilles dans une botte de paille pour faire boiter le propriétaire du champ.
Abattre sa pomme sur la table.
Poser la première pierre dans un sac qu’on jette à l’eau.
Pisser des cordes de violoncelle.
Composer des silences pleins dans lesquels aucun bruit ne puisse entrer.
Caricaturer un cercle en lui tirant les oreilles.
Se jeter du haut d’un bond.
Découper dans du tissu la forme des ciseaux.
Cueillir la fleur du vertige à même le vertige.
Être un autre et lui faire porter le chapeau.
Étrenner sa nouvelle robe dans la poussière.
Arracher le mot et faire venir la motte avec.
Faire la sieste à l’ombre d’un doute.
Faire le pèlerinage d’une coquille d’œuf.
Laisser décanter sa parole dans un bassin de désenchantement.
Se promener aux abois.
Fabriquer un abat-jour en peau de revolver.
Lire l’avenir dans les entrebâillements d’une porte.
Poursuivre une idée mouvante comme si c’était une idée fixe.
Démêler une pelote d’abeilles pour en tirer du miel.
Passer sous une échelle en tenant à la main un trèfle à quatre feuilles.
Offrir une bouteille à la mer.

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