Habiter à Dité, 4

par Guillaume Condello. Lire les épisodes précédents

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Et dans l’écho des mots, vois la colline printanière
Posée sur l’horizon : c’est la main sur le corps estropié.
Tu entends : Va : du paysage, voici la charnière.

Et sur la crête, marche, c’est la joie sous tes pieds,
C’est le sol retrouvé. Ou trouvé. Regarde ; plutôt,
Non : cours, sans plus faire qu’un ; de biais,

Avec le soleil à l’œil. Marche, va déliées
Tes pompes, sous tes pieds pour toucher
Les chemins comme une ligne sûre. Ou milliers.

Irradient : telle une rivière, barrage couché
Par la force fluide de l’eau libérée, ramifiée,
– comme la main liquide sur le sol effarouché.

Toi : coule, sur la grosse boule de boue solidifiée
Et qui tourne, sous tes pieds. Sur la terre en équilibre,
Cours : pour rester sur place. Courant, pétrifié.

Suis le chemin : monte, rivière de pierre, qui vibre,
Vers quelle source. Ou silence, sans doute, magnifié
En hauteur. Rêveur solitaire, promeneur, libre ?

Ou pour ne plus parler. Sous le soleil à qui te fier,
Et couchant. Dans la chaleur tombante,
Comme pierres, de la falaise ossifiée

En face : tête de mort, front de roche ant
Édiluvien. Et post : à ses pieds c’est l’herbe
Recommencée. C’est mousse cataractante

De silice, minéraux retombés en gerbes
Figées de lave. C’est montagnes, glacées
Dans leur élan, jaillies. C’est la pierre imberbe

Où poussent graminées, pour refaire passer
Le plat de la vie. La masse fluide de l’air
Sur ta peau, cristaux de sueur caressés

Par nulle main. C’est la paille au sol couvert
D’or : ondule sous l’air, pour nourrir
Ceux qui vont mourir. Animaux, fougères,

Villes – toisons du sol, à tondre ou recouvrir.
Ensevelir, dans l’ombre riche du sol,
Avant retour. Et une fleur y fleurir.

Tu regardes autour, en bas les prairies mol
Lement retournées par les tracteurs
Qui toussent ; les vaches mâchent folle

Avoine, luzerne – tu ne sais pas. C’est l’heure
Du retour. Tout aussi se replie, dans une boite
A vivre, douce. Tu remets ton t-shirt, la chaleur

Du soir s’étiole. La route du retour à droite,
Sous les étoiles – futures. A gauche le col
Bouché de gros nuages gris, la terre moite,

Noire et mûre : sous le soleil, couchant. Un vol
D’oiseaux, tu ne les connais pas. Décochés
Depuis l’arc du soir, depuis les nuages sans paroles,

Depuis leurs propres pépiements, cachés
Dans les fourrés, attendant la pluie,
La nuit. Célèbrent, sans pourquoi. Marche : et

Ils te font un vêtement léger, de vol sans bruit,
De froissement frêle et sûr. Arriment leurs câbles,
Pour faire tenir le ciel, retendre son drap devant la nuit

Dressée pour le festin, les bougies sur la table
Noire du soir, qui tremblent. Le jour dure encore,
Tombant des nuages en tableau, en retable

De la renaissance. La pierre vole au corps
De l’oiseau sa vie, disent-ils, et lui rend le vol.
Tu rumines ça en rentrant en ville, un port

De pierre, murmurant sous la coupole
Du ciel – Non : ici coule le béton armé
Où vont les corps vivants faisant leurs nécropoles,

Dis-tu. Tu vois, tu hais, oublie d’aimer : Envole-moi
Envole-moi, chante un chœur angélique, loin de
Cette fatalité qui colle à ma peau et tous larmoient

En se pressant à la scène, comme au fleuve, en Inde,
Pour adorer les mots marmoréens de Jean-Jacques
Goldman. Dans ce chant bienheureux dont tu te scindes

Des vagues vivantes font un lent ressac, lac
Sous le vent. Ou glèbe gravide, foule dévote
Pour récoltes futures, dans les champs paradisiaques.

Vois : sous le sang lumineux s’écoulant des spots,
La leçon indécise qu’offrent leurs profils confiants,
Comme des fleurs sous les pas de Vénus – ou la botte.

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