par Laurent Albarracin et Jean-Daniel Botta. Lire le premier épisode
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Tourner en rouge comme un lion dans sa rage. Sauter de la poule à la bourrique et tomber de barque en barrique comme une brique coule à pic.
Dans la tête du lion il y a le gyrophare de la captivité. Le tigre s’est évadé mais garde l’ombre portée de sa cage. Les rayures empêchent le tigre de bondir hors du tigre.
C’est le calme et non pas sa férocité qui fait la gloire du tigre. Le tigre est palmé par et pour les sunlights de la jungle.
Le tigre s’étire, le tigre mesure l’éternité des tigres. Avec ses rayures le tigre s’étire comme le double-décimètre de l’éternité.
Le tigre est gradué pour calculer la pâte de tigre qui remplit son moule. Le tigre est la bouteille souple du miel, la bouteille souple et plantigrade et striée de griffures de l’ours du miel.
La Terre est la boule de poils que le tigre a recrachée. Très vite la Terre a pris du volume en intégrant le tigre. Chaque tigre porte sur lui les premières ondes visibles du monde.
La Terre est la pelote de réjection d’un chat-huant. En aspirant la chouette à son tour dans la pelote, la Terre s’est mise à voler dans le ciel nocturne. La nuit est la face interne d’un monde dont le noyau est une boule de régurgitation.
Comme le ballon, la terre met le cap sur les cheveux. La terre vole de tête en tête sous le regard de la chouette antisociale. Chaque nuit la terre polit un sol sobre de détente.
La terre est tirée par les cheveux de l’herbe. L’herbe est un tapis d’aiguilles molles, l’herbe est une houle d’épingles frissonnantes.
La Terre n’a jamais rien arrêté : ni les vivants ni les morts. La houle sert à équilibrer son personnage et au-delà. Le cimetière est la patrie de la houle au sens où les morts y vivent comme en piscine.
La terre est une passoire à nouilles qui garde l’eau et laisse passer les nouilles.
La passoire on s’en sert pour retrouver les mains de Ponce Pilate. Toutes les eaux des pâtes finissent toujours à Venise. Venise est le cimetière de l’eau des pâtes.
Quand on a les pieds dans l’eau, il est rare qu’on s’en lave les mains.
Se laver les mains est une décision constante et mécanique de déraison. Se laver les mains comme on répare le pédalo du Christ.
Se laver les mains est le moulin des mains pour fabriquer l’huile de l’innocence. Pédaler est le moulin des pieds pour fabriquer la farine d’une route d’eau.
Les mains sont trop gênantes pour l’innocence. Il y a tellement de mains à laver, l’innocence lave l’invasion des mains. L’innocence dira que le monde entier n’est pas jet de pierre.
Aux mains pures les mains sont encore de trop. J’appelle pêche miraculeuse le poisson qu’on attrape juste en jetant un caillou dans l’eau.
Les mains sont des saumons d’eau bénite, elles remontent le courant jusqu’à la prière. Les mains sont les cleptomanes des cailloux.
Le saumon rose fraye dans l’aube de l’eau. Le saumon est une main tranchée qui vole dans le rose jusqu’à l’épaule de l’eau.
L’aube convient à de nombreuses pièces de la maison. L’aube c’est faire éclater la salle de bain avec des saumons.
La salle de bain est l’Éden domestique. La pomme de douche est l’arrosoir d’Adam. La pomme d’Adam est un mitigeur de gorge.
Dès l’aube Adam chante tout le rose de sa peau. L’aube est un éboulis de bonbons pour la gorge.
Chanter sous la douche c’est se faire postillonner dessus par son micro.
Chanter sous la douche c’est présenter la météo des fuites.
Chanter comme un barde sous les hallebardes.
Chanter le langage est gage de gag.
Faire chanter le langage, c’est comme prendre une barque pour faire tanguer la mer.
Arrive un point de tangage où la mer devient la soupe alphabet.
Pagayer sur la mer c’est semer la pagaille dans les lettres et c’est boutonner les lundis avec des carottes.
Les lettres permettent d’écarter l’esprit comme l’araignée agrandit le tamis de la raquette de tennis lentement, avant le match.
Les doigts de pied en éventail, être le McEnroe du soleil.
Le tennis est une forme de guidage de l’insolation. McEnroe fait des aces d’insolation pour faire plier le caractère.
La raquette de tennis est la greffe réussie d’une épuisette et d’un miroir. Le tennisman est un chasseur de papillons rendu fou par l’abondance de signaux.
Au centre de la raquette le cri de bataille de l’araignée. L’araignée étend son linge sur des lignes de fuites.
Avec des doigts qui lui sortent directement du ventre comme des aiguilles d’une pelote, l’araignée pour tisser son fil se détricote.
Les araignées ont tissé le filet pour y capturer les péchés de McEnroe. McEnroe est un jeune presbytérien exalté. Dans sa colère il appelle Columbo car il sait que les traces hors des limites du terrain mènent au crime.
Le détective comme le tennisman voient le monde à travers une loupe grillagée. L’escrimeur ne tient plus que le manche de sa raquette, le tamis de celle-ci s’étant collé à son visage.
L’escrimeur observe le crime par l’œil de la mouche.
La mouche a les yeux tellement exorbités qu’ils tournent en orbite autour d’elle comme des satellites. Les yeux des mouches sont les mouches des mouches.
La mouche pleure en une fois sa vie par toutes les facettes de ses yeux. La mouche scanne le chagrin du cheval.
Mettez des œillères à une mouche, elle labourera votre champ.
Les mouches labourent et se lèvent tôt, atterrissent sur de longues tartines pour atteindre les morts.
La tartine tombe toujours du côté beurré parce que la gravité est la confiture de la distance.
Quand tu viens de te mettre debout, l’ombre et le beurre sont déjà bien répartis. Il faut tremper ses tartines comme des Titanic.
À midi c’est un paquebot qui sort tout luisant de son œuf à la coque.
Le paquebot a coulé parce qu’à l’intérieur une apnée avait fait l’unanimité.
Le paquebot est remonté après avoir voté un rôt à main levée.
Le vote célèbre l’autonomie de la main en tant qu’animal d’unanimité.
L’homme est un unanimal divisé, il est une meute pour lui-même.
L’homme délocalise le loup pour s’asticoter en mains propres.
Le seul qui parvient à suivre le loup à la trace, c’est l’asticot.
Mort par le loup, n’ayant su dissocier ses traces de son destin. Les asticots font penser à un tableau de Brueghel : même foule, mêmes gestes de boisson. Les morts ont un tableau de Brueghel dans le ventre.
La folie fermente au ventre du village. La fève du proverbe donne de l’esprit à la chair.
Fou est celui qui trouve une fève dans sa photo d’identité. Le proverbe dit «Fou dans sa photo, n’a plus de grands obstacles».
Fou qui voit son image dans son sandwich. Sa petite langue rose frétillant dans la gueule de loup de son sandwich.
Le sandwich est la bouteille à la mer que le fou jette aux loups. Le sandwich est la bouteille jetée à la chair. Le village était une seule et même chair et les loups sont venus découper les personnages.
Le sandwich est découpé selon les pointillés. Le sandwich est déchiré à belles dents selon les pointillés de sa gueule ouverte.
Apprendre par cœur son sandwich.
Apprendre par cœur son sandwich comme avoir des lèvres de pain. Connaître le menu par le menu de la langue. Se rassasier en se léchant les tartines.
Chacun a des lèvres, du pain et un excès d’identité à cause du jambon.
À n’avoir que soi à la bouche, on en devient un cochon.
Il ne faut pas se lasser qu’il y ait quelque chose en plus de soi.
Le monde entier n’est qu’une chute de tissu dans la confection de moi-même.
Le monde entier me suit constamment avec de la soie. La sueur, toute la coutume de suer ne fabrique que mon propre corps.
La nacre de l’escargot est la traîne de sa robe de marié hermaphrodite.
Qui saura dérouler la bobine d’ego de l’escargot ?
D’un pied qui salive, on ne va pas plus vite satisfaire sa faim.
La faim commence dans un pédiluve de salive.
Avoir un pied dans le chaudron fait monter l’eau à la bouche. On a de l’appétit par capillarité.
Si tu meurs de faire bouillir ton pied, tu n’es pas digne du repas. Demande ton pouls à la biche dans la beauté de l’eau de cuisson.
(à suivre)