Entretien avec Cécile Mainardi. Propos recueillis par Guillaume Condello. Lire tous les articles du dossier « La vie en prose »
.
.
Catastrophes : Dans Rose activité mortelle, vous utilisez une prose très liquide, qui semble mimer le thème de cette eau du réel qu’elle s’efforce, en vain, de saisir. On retrouve aussi cette manière de faire couler le verbe dans vos lectures performées. Comment en êtes-vous arrivé à cette forme, pourquoi ne pas avoir, par exemple, opté pour le vers ?
Cécile Mainardi : Pour votre première question, j’avance cette hypothèse toute mienne : sans doute que les mots eux-mêmes déclenchent en nous ce fameux processus des neurones miroirs, et que le simple fait d’écrire, de penser, ou de prononcer « super-liquide » agit sur la manière d’écrire, de concevoir mentalement, au moments de leur transcription, l’écoulement des mots dans les phrases et des phrases dans les textes.
Quant à votre seconde question : sans doute la micro-trame narrative que je tachais de suivre en écrivant ces textes, qui se veulent relater à chaque fois une expérience fictive nouvelle, réclamait-elle la prose plus que le vers.
Dans vos Idéogrammes acryliques, vous jouez d’une forme qui pousse le vers au-delà de ses limites, et presque vers les arts plastiques et la peinture. De la même manière, dans Le degré rose de l’écriture, vous mettez l’accent sur la dimension performative de la poésie. Qu’est-ce qui vous a poussé à ce chemin, qui semble s’orienter vers une sortie de la poésie (écrite, en tout cas) ?
« Mais moi aussi, je suis peintre », clamait désespérément Guillaume Apollinaire, inventeur de l’expression « Idéogrammes lyriques » pour désigner ses Calligrammes. Disons que je tente de refaire la même chose aussi désespérément… Moins désespérément, disons que les Idéogrammes acryliques sont le premier livre d’un passage, ou le livre d’un premier passage.
Le Degré rose de l’écriture, quant à lui, en est un second… mais il n’est plus signé Cécile Mainardi. Relisez bien le texte, regardez bien la couverture !
Votre écriture comporte une dimension lyrique importante, et semble se confronter à des expériences où la sidération pousse le langage jusqu’à sa propre limite, et le révèle comme pure illusion. Qu’est-ce qui fait que la prose serait pour vous plus à même de mettre cela en œuvre que le vers ?
Détrompez-vous, je tente actuellement un livre qui aurait pour objet la mise en œuvre d’illusions d’optique dans et par l’écriture. La forme plus ramassée sur la page du vers s’y prête mieux, en l’occurrence, que la prose. Je me dis en effet qu’il faut trouver une véritable nécessité formelle à user de vers ou de versets, pratique si risquée et menacée d’obsolescence par une post-modernité qui les révoque en doute s’ils ne se réinventent pas.
.
.
.
[Images de Cécile Mainardi]
.
*
.