Poésies (3/3)

Par Osvaldo Lamborghini. Traduit de l’espagnol par Guillaume Contré. Lire ici la présentation par Guillaume Contré, ici le premier épisode et le deuxième.

 

Quelques petites boules de mercure

à Susana Cerdá

Quand la passion devient forte, vraiment très forte
Le ciel tire sa gâchette
Et nous voilà perdus
Ma bien aimée
Peut-être devrions nous, plutôt…
Oh, non, ce devoir ne nous vaudrait rien !
(Sauf ce petit goût de périr dans la tentative)
Car la question est notre galimatias délibéré.
Évidemment : il n’y a pas de question.
Quoique (jamais écrire quoique)
Pourquoi n’y a-t-il pas de question ?
Ne me demande pas, mon aimée
J’en ai un peu marre de tes demandes
Quoique !
Qu’importe, je t’aime à la chaleur du dialogue
Et non, on ne se comprend pas
Je préfère tes pieds de nonne sur la bouche
« De celui qui ne sait pas penser »
Moi
Électrisants pieds de nonne
Chacune de tes belles pensées
Je les jetterai aux ordures
Quoique !
Car je serai toujours à ton côté
Des millions de côtés
Une seule femme
Où es-tu, paradisiaque ?

(1979)

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Légères envies d’introduire ébahi
le pénis usé dans la patine du vagin
et d’adorer ensuite la voute céleste.
Arrivaient les Grecs, ces enfants innocents de la peste.
Ils allumaient le feu et crachaient les arêtes,
pas dans une chambre d’hôtel, pas dans celle-ci,
qui pue la pomme et le pornoshow inhabité
par la plus jolie, elle
la plus belle,
la plus trinitaire,
elle, le joyau :
Hélène, Hélène de Troie,
Mère de Dieu et danseuse.

L’extase et la dose et la rime
et une classe de putois renfermé
qu’il me faudra faire demain, malgré le pic.
J’aimerais être juif,
rusé et transsexuel comme l’Esprit,
plutôt que cette grive, cet aède marqué,
qui pue l’horreur même déguisé en Cupidon.

(1980)

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*

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Enveloppé dans une paix apocalyptique
le type regardait la cuisine,
les brûleurs, le feu allumé :
la cuisine, tapissée certainement
de feuilles ou de pages
de journaux et revues.
Il n’avait pas mérité l’étoile du matin,
voilà qui est clair, et n’était pas (même pas)
le premier-né de la mort.
La vie passait comme un lac.
Les rives tendues, le centre muet.
Eau aveugle, pauvre et clôturée.

Celui qui hier encore disait
buvait désormais du maté éternellement
et lisait des romans de vampires.
Télévision et médicaments : la perfection
ne fut plus qu’aspiration.
Renaîtra l’amour avec la prochaine guerre.
Et dans un alors sans alors,
avec un Dieu gaffeur toujours à la traîne,
alors il s’appuiera sur ses béquilles,
ouvrira le bec comme une mouette
et défoncera les portes du paradis,
antichambre de l’enfer.

(1980)

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*

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La plus heureuse

Je suis la plus heureuse
la plus glorieuse des tapettes
Je suis pédé et me suis trouvée
(devant Dieu nous nous sommes mariés)
un mari avec un phallus, un phallus !
Un phallus entièrement
entièrement recouvert
de douces petites plumes blanches
Il me veut et moi je l’adore
Il me traite délicatement
et moi comme mon maître
et je l’aime
Ingénuité
Je suis un peu ingénue
mais il l’est davantage et aimable avec ça
bon comme le pain
Il me suffirait de vous dire !
lui-même se charge
de me lubrifier avec de la vaseline l’entrée du derrière
ce derrière que j’aime tant
appeler « ma moule »
Douceur de cygne
son beau braquemart mon amour
lisseur d’oie, d’oiseleur (oh ! j’ai fait une blague !)
Le chatouillis des petites plumes
ce frou-frou dans mon vagin sur commande
c’est mon ciel
chéri
c’est mon (pardon je rougis)
Enfin l’or et les chérubins
être parvenue,
enfin au Paradis

(méchante ! pour vous rendre jalouses
chaque fois qu’il me le fait je cours le raconter
à mes amis folles/pédés
« Hier soir il me l’a fait aussi ! »)

Et ça suffit
Dès que j’écris un petit instant
je deviens languide
câline
je me souviens
ça me donne comme des envies…
papounet ! papounet !
Ah, mais avant de finir
je vous potine
des détails
petits détails sur lui des gestes
amour chéri
Qui…
ils me poussent à bout
jusqu’au bout de ces perles
qui roulent sur les joues
et larmes,
larmes on les appelle

Je m’émeus
quand on ne m’humilie pas
je suis si délicate
bien que je comprenne, comprenne tout…

Savez-vous ?
l’étalon se fait toujours préparer
par sa petite fiotte le maté
lui allongé sur le lit
elle assise sur un tabouret
Mais l’homme n’aime pas
non vraiment pas
que la chochotte aspire à la même paille
car enfin
Ça se comprend…
nous, sucer la bite on adore ça
et alors…
Ils pensent que nous
avec la même bouche qui…
Eh bien…
on se sent toujours un peu offensée
alors qu’avec toute notre tendresse
on lui a préparé son maté
un peu, à moitié
entre deux moues
on fait la moue…
On doit boire seules le maté
ou avec un autre pédé
débarqué à l’improviste
ou avec un pauvre idiot
qui ne pige pas que nous
on tire sur la nouille à genoux
même dans les chiottes…
eh bien, devinez-quoi ?
le mien
celui aux plumes sur la queue merveilleuse
il m’invite ! ah, je ne le dégoûte pas !
amour, amour, mon amour !
je t’adore, je t’adore ! Toi
C’est Toi moninfusion. Masyn
Alepha. T’adore, dis-je, pas Théodore.

La paille en fer-blanc, cigale acide, dénonce l’écarlate
anneau
plus la saveur de gelée humide
de ton membre, cette muse en veine

Et ce que l’on sent dans la frayeur
ridicule (« si vieille ») de te vouloir quand même
– je ne veux pas parler d’amour, n’exagérons pas –
sera demain quand même « …puis-je… te voir… ? »,

pour parler (mensonge) des charmes
passés et flétris : male mort,
voiles, voiles décatis : mal chance,
dans la « …pitié… » car c’est ce que veut le chant

J’ai laissé « …un peu… » mon travail littéraire
car j’étais parvenu à un point « …certain… »
Un certain point, mais mieux vaut le laisser

comme ça. Quand, dans son style le plus précaire,
la vérité ne prêche pas dans le désert,
quelqu’un écoute (et on veut le tuer).

Je devenais fou__________.______DIS-MOI______________qu’il lime
Peu ou prou.____________._______SEULE___________-_____l’ol ympe
Je rime et me comprends______MENT MA________-_-__et là je
– « Choé-Choé. Mucus. »_____-_DOUCE_______________te touche

(1981)

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