par Aurélie Foglia. Lire les autres épisodes.
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la poésie n’est pas
racontable
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intrigue
c’est un fait
le compact de la prose ne me fait pas
l’effet physique des vers
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c’est quelque chose qui fait
quelque chose
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je dis juste
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qu’un poète sert
à s’enrichir
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initie à ce que vous savez
avec son spray
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montre comment
jouir sur une fleur
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se rendre compte
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d’un gravier
depuis votre avion
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c’est chant la poésie
n’a plus ses règles depuis plus d’un siècle
rajeunissant d’être peut-être à force d’être
moins répandue que les mots en général
tu parles sur le tard d’une technique éculée ou plutôt d’un art mis au point du lingus
dans ce goût-là
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sauter dans un roman
en marche représente
un vrai défi
un poème vous pouvez
même emprunter
le marchepied
qui se déplie quand
ça vous chante
sans qu’il décélère
tant il se prête
à l’embarquement
sauvage
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un roman reçoit
sur sa terrasse face à sa piscine donne sur sa mer aux abois de ses chiens précipite sa pluie sur sa piste
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la poésie vous sillonne
entre deux versants importe le lointain au cœur du cœur qu’il se loge ou non dans le torse des choses recueille nos restes mûrs dans sa veste
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tu n’aimes pas
les poètes du tout qui écrivent sans retirer leurs gants
si peu les romanciers qui dilapident la langue
avec des ongles trop longs et aigus pour faire la vaisselle
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elle est-ce moi étions arrivées
en terre aride devant dire la difficulté de lire
l’empreinte même du corps dans son sommeil à vie
la langue pâteuse qui risque sans arrêt d’être broyée
entre les mâchoires parlantes de nos pauvres machines animales
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tournez autour de mes lignes en volutes
vos regards coulés à la naissance s’en retournent
(qui rendra l’agonie de naître quand tout s’est retiré)
j’ai voulu en cours de destruction recharger le monde sans qu’il se dédouble
clouer sur la porte une seconde mon plus beau fantôme sans but
les mots me tombent des mains
décrire déchiffrer me déserte
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ne te penche pas trop
par-dessus la rambarde
en fer forgé pour lancer
dans le noir du vide
tes guerres de conquête
ce ne fut pas un espace disputé
celui d’être si blanc où tant de formes
d’hommes vont se perdre
je sais des endroits sans
terre où fleurissent
des fleuves en arrière
moi-même qui me détourne
me voilà prête à être
ravalée par les lèvres
exsangues des livres
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je ne sais pas où je suis tombée
éclaire-moi
il fait dedans entre des parois trop froides pour y rester
vous ne relevez pas
le blanc prend l’énergie rentrée de la neige
je perds mes yeux
j’étends les mains dans le geste gauche d’écrire sans pouvoir vous toucher
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à chaque fois que tu rouvres ton livre a changé
de visage si ce n’est de langue au fil de l’histoire est différente des personnages portent d’autres noms toi-même tu n’es plus le même paysage autour a bougé disparu dans l’intervalle
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il a beau
ton bouquin tenir lieu
de tout pleut des signes arrosent l’œil a soif de ce qui a été vers
é au sein n’y est plus dé
verse des kilos d’idées d’ordures de paperasses se
changent en temps et en heure tu accouches de ton corps de lait et de merde
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les livres vois-tu lisent des tombereaux de livres dans leurs ombres par nature pilleurs fils meurtriers de cimetières
vandalisent les voix anciennes avec quelle dévotion font-ils des feux de papier clarifient les liens
charrient-ils des os dans leurs replis de chair trop claire des échos de cris des choses
lancées à ceux qui sont déjà désormais hors de portée une pluie de plus délave les mots les morts
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monte cette musique sans le son
d’une voix qu’une autre voile ou retenue dans sa couleur froide jusqu’au fond
d’une eau dessus la lumière aura glissé sculpter ce sable
le mot à mot t’enliserait dans le sens du quand
tu veux filant à travers dit te dissoudre sans mal
dans ce volume
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ça ferait un peu écoute comme un chien qui pleure avec des staccatos de perceuses et des bruits de tout qu’on étouffe
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aberrant ce petit cinéma de se plonger
à nu dans la mer d’une mare à sec rentre dans un sac rentre dans la tête
pénètre de silence d’amour sans bruit sans bouger
jamais
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silence
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je tourne un livre
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enregistre des images
défilent des vies
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l’assiste
depuis mon point
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comme si nous y étions
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[Fin]