L’Ouragnatte, 15 avril

Les arbres, de ce côté, ont été sculptés par la neige et le vent. Branches aplaties, recourbées ou brisées. Feuillages orientés et comme taillés. Formes tombantes. On compte, parmi eux, quelques foudroyés (cimes étrillées, troncs carbonisés, moignons noirs). Cris d’oiseaux sporadiques et lointains. Si ce n’était la vue sur la plaine de Lachaup et sur Ancelle (village, montagne, vallée), le lieu paraîtrait totalement désolé : champ de bataille après la neige. 

On est monté jusqu’au pylône géant, au lieu-dit l’Ouragnatte, petit plateau collinaire surplombant Sauron (étable conséquente, corps de ferme, fosse à purin). Une soufflerie se déclenche toutes les deux minutes dans le relais-antenne, destinée à en refroidir l’appareillage. Pour des raisons de sécurité, l’entrée de l’édicule est strictement réglementée, interdite à toute personne étrangère (au vers six). Le pays est quadrillé, comme cela, de canalisations, pipe-lines, antennes-relais et lignes à haute tension. Même les territoires montagneux ne sont pas épargnés, traversés qu’ils sont de flux énergétiques, et baignés d’ondes innombrables.

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Se rendre compte, en se rapprochant, qu’il y a deux types d’arbres : des pins noirs et des sortes de cèdres. Le parterre herbeux est piqué de chardons cuits, de bouses sèches et de pervenches somptueuses, témoignant en cela du déroulé entier du cycle, d’un printemps l’autre. S’avancer dans le désordre des pins dispersés (tout comme leurs frondaisons, terriblement irrégulières et brouillonnes). Entendre le tracteur bien avant de le voir. De même, entendra-t-on les corbeaux bien avant de les voir. Tous les autres oiseaux, dont on perçoit les chants, demeurent invisibles, hors périmètre.

Cette éminence offre une vue différente sur Ancelle, d’une part, et le Puy de Manse, de l’autre. On distingue les clapiers, au bas des pentes, sur une centaine de mètres, dans la partie du mont jadis épierrée et apprêtée par l’homme (« Fabrique du plus près »). Et justement, quittant notre position puis le couvert relatif des arbres, on progresse vers ces champs, en terrain dégagé. Bref, on est bien parti pour « travailler au champ » : dessus, dedans, autour et en bordure des labours : dans le champ, sur-le-champ, et bien sûr, hors champ.  

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[prose, 6 – Midi, dans l’Adrech]
[tenir la note, 6 – L’Ouragnatte, 15 avril
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[chant sixLes hauts de Gap]

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