Par Serge Airoldi. Téléchargez ici le pdf complet de « Voici l’espèce »
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j’entends ta voix ma montagne, mais je m’adresse aux Ondes d’or, aux panoplies damasquines. Je rêve d’une puissance & d’un heaume noir à flammes blanches & je clame : « Ô grand seigneur des pénombres & des clartés réunies, des matins des givres & des résurrections & des isthmes, des mers mortes, je connaîtrai l’éclosion du feu qui ne fait point de peine & qui écarte Aminadab »
je te conjure d’accepter l’Absence fauve, de courir comme je cours sur les toits en tuiles romaines, de dire Je m’enlève de ce monde sec, de fuir dans le livre volant, dans un ciel avec un labyrinthe de miroirs – des miroirs de la fête foraine, de t’envoler du pays des lettres et des syllabes, de méditer ce qu’écrivit Héraclite : « car tel est le sens du fleuve côtoyant les deux rivages du Paradis et des Enfers »
j’éclos peut-être… Qui le sait ?
c’est alors l’éclosion de la chanson du ferblantier, du lilas violine & de l’aster & du jasmin de Palerme, le profil du visage aimé, les lys, l’éventail des cèdres sur la douce colline, – la montagne des perfections, plus loin, vers l’horizon qu’elle définit. Le Pays où l’azur est une règle. Le zinzolin, l’agate, la pierre riche des heures. L’éclosion incertaine mais courageuse des courants d’Equateur
voici l’Espèce encore, sur l’esquif de jeudi///l’Antiquité ne commence que jeudi
je viendrai à Toi, sûr de l’appui de mon makhila d’airain, gravé de mon nom de lumière & des lettres fortes. Je marcherai dans les œuvres de la vie, dans la maison aux arches amples. Je viendrai à Toi, compagne des premiers espoirs – Les guerriers, les valeureux. Je viendrai à Toi, mémoire de ma mémoire, Mer de ma Mer
tu m’alertes encore, tu dis :
tu t’égares toujours, bouvier tu es, simple bouvier
tu ne seras jamais que celui-là
tu éloignes ton âme de ton corps réel
écoute plutôt ma vérité
celle de la nuit, du soleil, du nahawand
écoute-moi
bois mon haleine de menthe
écoute-moi encore un peu…
le fort d’Arkadia ne tient pas par ton courage
laisse faire le gharbi & le chergui
leur rencontre devient solution
une montagne d’eaux est passée, soudain, – posée dans le temps du tableau impossible, surgi par l’endroit des mains & l’envers des yeux. Un ciel des lointains. Un orage doux, blanc des fumées vaticanes. Une mer de Diable
le tableaucéans efface maintenant toute l’histoire qui précède. Que seront ces guerres encore possibles ? Que sont ces peuples non encore advenus ? Que sont ces tourments considérables dans la nuit de la Montagne de Fer & de la Mer du Léopard & dans le lointain tout clair après l’orage électrique, après les arcs-en-ciel primitifs & les bandes sombres d’Alexandre ?
chantez encore,
hurlez le nom du bosco & des gabiers,
au grand hunier accrochez vos prières,
à la misaine confiez vos tourments
le spectre vainqueur marche peut-être avec ses lames couleur de lune & des ondes de crêtes, le névé merveilleux, les routes maritimes brouillées, la bougie à la main, la tectonique des Océans au cœur, pas encore l’Espèce, – peut-être l’espèce, & les fauves cependant,
un monde,
un alun en devenir,
un agnelage,
le hurlement de la femme mer
Nahawand nahawand, comme l’azur d’un songe promis,
– Une éclosion. Un personnage, un pays. Nom du personnage. Nom d’un pays. Une civilitas, – qui le confirmera ? – pour un jour du beau demain,
& alors, l’Océan Grand. Lui
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[Fin]